Le chrétien Shahbaz Bhatti, ministre pakistanais des Minorités religieuses et l'un des principaux défenseurs de l'amendement de la loi contre le blasphème, a été assassiné à Islamabad. Les assaillants ont tiré en rafale sur sa voiture.
AFP - Le ministre pakistanais des Minorités religieuses a été assassiné mercredi à Islamabad par des inconnus qui ont criblé de balles la voiture de ce catholique militant pour la suppression de la peine de mort en cas de blasphème et défenseur de la minorité chrétienne.
Trois ou quatre hommes à bord d'une voiture ont tiré en plein jour sur le véhicule de Shahbaz Bhatti dans un quartier chic de la capitale, alors qu'il sortait de sa résidence, a indiqué le chef de la police d'Islamabad, Wajid Durrani. Les assaillants ont réussi à prendre la fuite.
"Il était mort à son arrivée à l'hôpital, on lui a tiré dessus", a déclaré à l'AFP par téléphone le Dr Azmatullah Qureshi, porte-parole de l'un des plus grands hôpitaux d'Islamabad, le Shifah.
itSelon le chef de la police, le ministre avait demandé à son escorte habituelle de l'attendre à son bureau plutôt que de venir le chercher chez lui. "Nous enquêtons" sur cette information, a-t-il ajouté.
Ce meurtre survient en pleine controverse dans ce pays musulman sur des velléités d'amendement d'une loi prévoyant la peine de mort en cas de blasphème et l'assassinat début janvier d'un gouverneur qui avait pris la défense d'une chrétienne condamnée à la peine capitale pour avoir "insulté" le prophète Mahomet.
Le ministre Bhatti, qui était l'un des défenseurs d'un amendement de la loi contre le blasphème et multipliait les déclarations sur les violences et intimidations dont est victime notamment la minorité chrétienne, se disait régulièrement menacé.
Le 4 janvier, en plein jour et devant le salon de thé d'un complexe commercial d'Islamabad, Salman Taseer, le gouverneur du Penjab, la province la plus peuplée du Pakistan, avait été criblé de balles par un policier du commando d'élite chargé de sa protection.
L'assassin, qui avait invoqué le fait que Salman Taseer défendait Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour avoir "insulté" le prophète Mahomet et parce qu'il s'était fait l'avocat d'un amendement de la loi contre le blasphème, est devenu un "héros" aux yeux d'une grande partie de la population de la République Islamique du Pakistan.
Depuis deux mois, les manifestations de soutien au policier et hostiles à toute modification de la loi se multiplient dans le pays. Et le gouvernement, sous la pression de la rue, répète inlassablement qu'il n'a aucune intention de soutenir l'amendement présenté par certains parlementaires.
Plusieurs imams, dont l'un qui aurait "inspiré" le policier selon lui, et des dirigeants de mouvements fondamentalistes répètent publiquement à l'envi ces derniers temps que l'islam récompense les meurtriers d'apostats ou ceux qui les défendent.
La peine de mort n'a jamais été appliquée pour un blasphème depuis que la loi l'a prévue dans les années 1980. Mais plusieurs personnes --chrétiens, musulmans et hindous-- qui avaient été condamnés pour avoir profané l'islam et le Coran ont été tuées, en prison par des policiers ou des gardiens, ou dans la rue une fois relâchées.
Fin novembre, une alliance de partis et associations musulmans sunnites avait averti qu'une éventuelle grâce pour Asia Bibi déclencherait l'anarchie dans le pays, après que le ministre Shahbaz Bhatti eut présenté au président Asif Ali Zardari une demande de clémence pour cette femme dont la famille se dit persécutée depuis longtemps dans son village.
Asia Bibi, 45 ans, une paysanne pauvre, mère de cinq enfants, a été condamnée le 8 novembre à être pendue par un tribunal de Nankana (est) pour avoir blasphémé en 2009 contre Mahomet, une accusation portée par des femmes musulmanes du même village à l'issue d'une querelle.
Une juridiction supérieure doit encore se prononcer en appel, et elle commue généralement les peines de mort pour blasphème en peines de prison, quand elle ne les annule pas.
Les chrétiens représentent moins de 2% des quelque 170 millions de Pakistanais. Ils sont majoritairement pauvres et cibles de vexations et de persécutions fréquentes.