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Malgré la démission de Ghannouchi, les manifestants ne lèvent pas le camp

Après avoir obtenu le départ du Premier ministre, les protestataires réunis place de la Kasbah, à Tunis, n'entendent pas baisser les armes. D'autres Tunisiens s'inquiètent au contraire de la tournure prise par les événements.

Béji Caïd Essebsi fera-t-il mieux que Mohammed Ghannouchi ? Depuis des semaines, des manifestants réclamaient le départ du chef du gouvernement de transition. Au lendemain de sa démission, la situation paraît toujours confuse en Tunisie. À peine nommé, le nouveau Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, fait l'objet de critiques.

L'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a dénoncé une nomination "rapide", effectuée "sans consultations". "Tous les partis d'opposition sont déçus, constate également l'opposant historique Moncef Marzouki dans un entretien au quotidien français "Libération". C'est une révolution de la jeunesse, démocratique, et la voilà conduite par un vieillard de 84 ans !" "Le gouvernement de Ben Ali est parti, celui du peuple doit le remplacer", a réagi de son côté Rached Ghannouchi, président du mouvement islamiste Ennahdha.

Poursuite du sit-in esplanade de la Kasbah

À Tunis, place de la Kasbah, des milliers de manifestants poursuivent leur sit-in sous les fenêtres de plusieurs ministères. "Ils promettent de ne pas baisser les bras, raconte ce lundi David Thomson, correspondant de FRANCE 24 à Tunis. La démission de Mohammed Ghannouchi était leur principale revendication, mais ils réclament également la démission du président par intérim Foued Mebazaa, celle de tout le gouvernement, la dissolution du Parlement et la création d'une Assemblée constituante." Le ministre tunisien de l'Industrie et de la Technologie, Mohamed Afif Chelbi, ancien membre du gouvernement de Zine el-Abidine Ben Ali, a d'ailleurs à son tour annoncé qu'il quittait ses fonctions ce lundi.

Avenue Habib-Bourguiba, où des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont fait cinq morts samedi, de nombreux commerces sont toujours fermés. Des policiers en civil ont interpellé plusieurs suspects, parfois de façon musclée.

Feriel Alia Mansour, une architecte qui réside à Tunis, fait partie de ceux qui, au contraire, déplorent la tournure prise par les évènements. En signe de soutien, elle s'est rendue devant le domicile de Mohammed Ghannouchi dimanche soir, après son discours. "Nous étions là-bas plus de 2 000 personnes, réunies de façon totalement spontanée, raconte-t-elle. Béji Caïd Essebsi n'est pas mieux que Mohammed Ghannouchi. C'était l'une des seules personnes en qui nous pouvions avoir confiance : il est resté 14 ans dans un gouvernement corrompu et a les mains propres. Nous sommes dans une période très critique ; nous ne savons plus qui sont nos ennemis..."

"Majorité silencieuse"

Comme d'autres Tunisiens, Feriel Alia Mansour dénonce le fait qu'une partie des Tunisiens s'expriment au nom de l'ensemble de la population. Dans son discours, Mohammed Ghannouchi a lui-même appelé la "majorité silencieuse" à assumer ses responsabilités pour défendre la révolution. "Il faut distinguer l'avenue Bourguiba, où il y a eu des casseurs et des pilleurs, et la Kasbah, rappelle Feriel. Là, les manifestants sont très nombreux et pacifiques, mais tous ne sont pas là pour leurs idées. Il y a aussi des familles qui viennent là juste pour vivre ce moment historique avec leurs enfants, se prendre en photo. L'ambiance est conviviale, ils n'ont jamais participé à une manifestation auparavant."

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"Les protestataires disent 'Dégage' mais ne proposent rien pour la suite, ajoute-t-elle. Je ne pense pas qu'il faille tout détruire pour reconstruire. Je suis dans le flou total..."

"La majorité silencieuse n'est certainement pas celle de la Kasbah, mais encore moins celle qui soutient le gouvernement de transition, estime de son côté Mehdi Ben Saïd, un internaute tunisien, sur Facebook. La majorité est celle des gens qui veulent que les choses avancent, mais qui sont frustrés et enragés par le manque de transparence, l'absence totale de communication, l'incohérence et l'indécision irritante..."

Nawfal Zayadi, militant au sein du Parti socialiste, juge lui aussi que la situation est confuse, et le citoyen livré à lui-même. "Ghannouchi, pas Ghannouchi... Ce n'est pas la question essentielle, affirme-t-il. Il faut mettre en place un dialogue national pour que tout le peuple, toutes les organisations, tous les décideurs puissent s'exprimer et établir un programme politique. On ne peut pas passer d'une République dictatoriale à une République démocratique sans dialogue."