Sous la pression de la rue qui l'accuse d'être trop proche de l'ancien régime et de "confisquer la révolution", le chef du gouvernement de transition, Mohammed Ghannouchi, a annoncé sa démission lors d'une allocution télévisée.
AFP - Le Premier ministre tunisien de transition Mohammed Ghannouchi a démissionné dimanche, emporté par 48 heures de contestations et de violences qui ont fait au moins cinq morts à Tunis, un mois et demi après la chute du président Zine El Abidine Ben Ali.
itLe Premier ministre, dont les manifestants demandaient le départ depuis plusieurs semaines, a aussitôt été remplacé à son poste par l'ancien ministre Béji Caïd Essebsi.
"J'ai décidé de démissionner de ma fonction de Premier ministre. (...) Je ne serai pas le Premier ministre de la répression", a déclaré M. Ghannouchi lors d'une conférence de presse à Tunis. "Je ne suis pas le genre de personne qui va prendre des décisions qui pourraient provoquer des victimes", a-t-il poursuivi.
Le président tunisien par intérim Foued Mebazaa a aussitôt annoncé la nomination de l'ancien ministre Béji Caïd Essebsi au poste de Premier ministre de transition. "J'ai proposé à M. Béji Caïd Essebsi le poste de Premier ministre, une responsabilité qu'il a acceptée", a déclaré M. Mebazaa dans une déclaration diffusée par des médias locaux.
M. Caïd Essebsi "est connu pour son patriotisme, sa fidélité et son abnégation au service de la patrie", a ajouté le président, qui a par ailleurs rendu hommage au Premier ministre démissionnaire pour avoir "servi la Tunisie dans les circonstances délicates" qui ont suivi la chute du président Ben Ali.
Réputé pour être un libéral, M. Béji Caïd Essebsi a occupé plusieurs postes ministériels sous la présidence de Habib Bourguiba, père de l'indépendance de la Tunisie, occupant notamment les portefeuilles de la Défense et des Affaires étrangères.
La démission de Mohammed Ghannouchi, contesté pour avoir été le dernier chef du gouvernement du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, a été accueillie avec soulagement dimanche après-midi dans les milieux politiques à Tunis.
"Nous nous attendons à la formation d'un nouveau gouvernement transitoire, en rupture totale avec l'ancien régime et qui fera l'objet d'une entente entre toutes les forces politiques dans le pays", a déclaré à l'AFP l'opposant de gauche Hamma Hammami.
La démission de M. Ghannouchi est la conséquence de "l'incapacité du gouvernement à mettre fin à la violence et à son hésitation", a commenté à l'AFP le secrétaire général adjoint de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), Ali Ben Romdhane.
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Dimanche matin, le coeur de la capitale tunisienne avait encore des allures de champ de bataille, après les violents affrontements entre forces de l'ordre et manifestants samedi à Tunis qui ont fait cinq morts, selon un nouveau bilan publié dimanche par le ministère tunisien de l'Intérieur.
Scandant des slogans hostiles au gouvernement, des protestataires tentaient de s'approcher en petits groupes du ministère de l'Intérieur, sur l'avenue Habib Bourguiba, épicentre des émeutes, auquel ils s'étaient déjà attaqués la veille. Les heurts se sont rapidement arrêtés sitôt connue la nouvelle de la démission du Premier ministre, une annonce qui n'a toutefois pas été saluée par une explosion de joie.
Depuis sa nomination comme premier chef du gouvernement de l'après-Ben Ali, Mohammed Ghannouchi n'a pratiquement pas eu une journée de répit depuis la chute et la fuite de l'ancien président le 14 janvier. La première équipe qu'il avait formée, avec notamment des poids-lourds de l'ancien régime, n'a pas tenu deux semaines.
Au bout de cinq jours de manifestations sous ses fenêtres, celui qui fut le dernier Premier ministre de Ben Ali onze ans durant avait jeté l'éponge le 27 janvier et formé une nouvelle équipe expurgée des "bénalistes" trop voyants, tout en sauvant sa tête.
Un mois plus tard jour pour jour, Mohammed Ghannouchi a cette fois décidé de partir après une manifestation monstre et surtout de très violents affrontements.