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Le pouvoir disperse une nouvelle manifestation de l'opposition

, envoyé spécial à Alger – Un millier de personnes qui entendaient manifester une nouvelle fois contre le régime en place à Alger ont été dispersées par la force, ce samedi. La police a investi la place du 1er-Mai, rendant les rassemblements difficiles.

"Pouvoir assassin !", "Bouteflika, dégage, la jeunesse s’engage !", "Ouyahia voleur !", "À bas la dictature et l’injustice !", "Bouteflika, Ouyahia, gouvernement terroriste !". Le long du boulevard de Belouizdad, près du quartier populaire de Belcourt et de la rue Hassiba Benbouali, des slogans hostiles au régime algérien ont résonné toute la matinée de samedi, malgré les camions anti-émeutes qui y avaient été déployés très tôt pour éviter que la marche ne prenne la direction de la place des Martyrs.

Afin de déjouer la vigilance des policiers, les manifestants - 1 000 à 2 000 personnes, selon les organisateurs - se sont rassemblés par petits groupes, transformant la place du 1er-Mai en arène de contestation. "Ce n’est pas une histoire de personnes. C’est l'histoire d’un régime pourri qui doit tomber. Il faut que les jeunes reprennent le flambeau !", explique Farouk Atamna, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de la wilaya de Jijel, une ville côtière de l’est du pays, présent dans la foule. Avant de poursuivre, s’interrogeant sur les centaines de milliards de dollars détenus par les généraux qui sont partis en fumée sans que les Algériens n’en voient la couleur : "Je dis aux gens de ce régime : 'S’il vous plaît, dégagez !', et j’appelle tous ceux qui aiment leur pays à se joindre à nous pour imposer le changement".

"Le peuple algérien n’est pas une vache qui ne pense qu’à manger !"

Frappé par la police anti-émeute, un autre député du RCD, Tahar Besbes, a perdu connaissance durant plusieurs heures. Il a dû être admis en urgence à l'hôpital Mustapha Bacha. Selon Mohsen Belabes, le  porte-parole du parti, les jours de M. Besbes, qui a repris connaissance, ne sont pas en danger, même si celui-ci souffre de blessures au niveau du genou et du dos.

Enseignant en langues étrangères à l’université d’Alger, Ismail Sebai souhaite, lui, un changement pacifique dans son pays. "Tout le monde est corrompu en Algérie, depuis le simple citoyen jusqu’au président. Le peuple veut le changement. Même ces policiers que vous voyez et qui touchent 40 000 dinars par mois (environ 350 euros) en rêvent". Et de préciser que les Algériens subissent un pouvoir arbitraire depuis 1962, année de l’indépendance du pays. Kamel, un autre manifestant venu de la ville de Tizi-Ouzou, estime que la crise qui frappe l’Algérie n’a pas de lien avec l’envolée des prix des denrées alimentaires de premières nécessité, au premier rang desquelles le sucre et le lait. "Le peuple algérien n’est pas une vache qui ne pense qu’à manger. Il cherche à retrouver sa liberté et sa dignité !", lance ainsi celui-ci.

De son côté, le président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), Me Ali Yahia Abdenour, 90 ans, a bravé les interdits pour venir apporter son soutien aux manifestants. Entouré par des policiers et des journalistes, il a promis que la lutte continuerait jusqu’à la chute du régime. "C’est une marche pour le peuple. Nous ne laisserons personne la récupérer. Ni les partis politiques et encore moins le pouvoir", a-t-il déclaré avant d’enchaîner : "Je ne peux pas trop parler, je suis fatigué et malade". À ses cotés, Me Mustapha Bouchachi, président de la LADDH, malmené lui aussi par les forces de l'ordre, a assuré que cette campagne de sensibilisation ne s’arrêterait pas là. "Nous allons continuer à organiser des marches tous les samedis, jusqu'à la satisfaction de nos revendications".