Plus d'un mois après la chute du régime de Ben Ali, des poches d'insécurité subsistent en Tunisie. Vendredi, un prêtre polonais a été égorgé "par des extrêmistes" tandis que des islamistes ont fait irruption dans le quartier rouge de la capitale.
AFP - L'insécurité en Tunisie et le risque de poussée intégriste ont été illustrés vendredi avec le meurtre d'un prêtre polonais retrouvé égorgé "par des extrémistes" près de Tunis, selon les autorités, et l'attaque d'une rue de prostituées par des islamistes qui voulaient y mettre le feu au centre de la capitale.
C'est le premier meurtre à la fois d'un religieux et d'un étranger depuis la chute du régime de Ben Ali le 14 janvier.
Le prêtre, âgé de 34 ans, a été retrouvé mort "égorgé" vendredi dans une école privée de la région de Manouba, a indiqué à l'AFP une source proche du ministère tunisien de l'Intérieur.
C'est "un groupe de terroristes fascistes ayant des orientations extrémistes qui est derrière ce crime, compte tenu de la façon dont il a été assassiné", a ajouté le ministère dans un communiqué sans préciser s'il visait là des islamistes.
Marek Rybinski a été retrouvé égorgé dans le garage d'une école religieuse privée où il était chargé de la comptabilité. Il a été agressé avant d'être égorgé, précise le ministère cité par l'agence officielle TAP.
Une poussée de fièvre islamiste avait surgi dans l'après-midi à Tunis: des dizaines d'entre eux ont tenté de mettre le feu dans une rue où travaillent des prostituées.
"Des islamistes ont tenté d'entrer dans la rue Abdallaah Guech pour l'incendier", a déclaré à l'AFP un policier tunisien sous couvert de l'anonymat. Une des principales maisons closes de Tunis est située dans cette rue proche de la Medina.
"Des habitants les ont empêchés de rentrer dans cette rue jusqu'à l'arrivée des agents des forces de l'ordre qui ont bloqué l'entrée en interdisant tout passage. Ils ont ensuite réussi à disperser ces manifestants", a ajouté le policier.
Cette zone a été survolée depuis plusieurs heures par plusieurs hélicoptères de l'armée.
"Des groupes ont tenté de s'introduire dans cette rue mais la police savait déjà que des manifestants allaient arriver. Ils ont bloqué les issues et maintenant la rue est gardée par la police et l'armée", a déclaré un commerçant.
Les islamistes avaient auparavant manifesté dans le centre-ville en criant "Non aux lieux de prostitution dans un pays musulman".
"On a exigé la fermeture de cette rue, nous sommes dans un pays musulman et nous devons appliquer ce que l'islam exige", a dit l'un d'eux, Hamza, 21 ans.
La semaine dernière, la communauté juive de Tunisie avait exprimé son inquiétude au gouvernement après des incidents antisémites devant la grande synagogue de Tunis.
"Là, nous sommes dans la vigilance", a répété vendredi le président de la communauté Roger Bismuth. "C'est l'oeuvre de salafistes, les plus extrémistes des islamistes formés par les wahhabites, mais il n'y a pas de terreau en Tunisie pour le développement du salafisme", a-t-il ajouté.
Conscient du vide sécuritaire prévalant depuis la chute du régime, le gouvernement avait décidé la semaine dernière de rappeler des réservistes partis à la retraite depuis cinq ans qui ont rejoint l'armée mercredi.
Le gouvernement est confronté chaque jour à l'instabilité avec de nombreux braquages à main armée, des manifestations de Tunisiens réclamant desespérément une aide sociale et à l'immigration clandestine de milliers de Tunisiens partis chercher un emploi en Europe.
Pour tenter d'apaiser les tensions sociales et répondre aux demandes d'une population exaspérée par le chômage (14%, le double pour les jeunes), le gouvernement a annoncé vendredi une série de mesures d'aide sociale d'urgence à destination des plus défavorisés (allocations financières, titularisation d'ouvriers de chantier, attribution de cartes de soins gratuits).
Il a aussi appelé les partenaires sociaux à entamer les négociations dans le privé et le public, demande majeure de la puissante centrale syndicale UGTT, selon son porte-parole Taieb Baccouch.
Enfin, le gouvernement a adopté l'amnistie générale des prisonniers politiques. Un décret-loi doit être annoncé dans les "tout prochains jours".