
Quatorze ans après le match remporté par Deep Blue contre le champion du monde d’échecs Garry Kasparov, une nouvelle machine, Watson, va tenter de battre deux stars du célèbre jeu télévisé américain de questions-réponses.
Élementaire, mon cher IBM. Jeudi, le géant de l’informatique saura s’il a eu raison de baptiser son nouveau super ordinateur "Watson". À partir de ce lundi soir en effet, la machine va tenter de battre, en trois manches, deux champions du Jeopardy, le célèbre jeu américain de questions-réponses.
Watson va afffronter Ken Jenning, qui a remporté 74 victoires d’affilées - un record absolu -, et Brad Rutter, qui a empoché 3,2 millions de dollars, la plus grosse cagnotte jamais décrochée par un joueur depuis le lancement du jeu, en 1964.
Qui des synapses du cerveau humain ou des circuits des 20 serveurs qui font tourner Watson va l’emporter ?
Les trois sessions de jeu ont déjà été enregistrées, mais tous les participants ont fait vœux de silence. Le vainqueur repartira avec 1 million de dollars, une coquette somme qu’IBM a promis de reverser à une œuvre de charité en cas de victoire.
La voix de HAL
Pour réaliser cette émission historique, Jeopardy s’est délocalisé au siège d’IBM. Pas facile d’installer sur un plateau télé un ordinateur de la taille de 10 réfrigérateurs... Watson est représenté sur un écran par un logo de la marque et répond aux questions avec une voix inspirée de celle de HAL, l’ordinateur diabolique du film "2001 : l’odyssée de l’espace". "Nous l’avons fait exprès, afin de bien rappeler qu’il s’agit d’une machine et non d’un être humain", explique un ingénieur d’IBM au magazine culturel américain "The New Yorker".
Si la participation d'un système d’intelligence artificielle à Jeopardy est une première dans l’histoire du jeu, l'expérience n’est, elle, pas sans précédent. En 1997, IBM - déjà - avait défié le champion du monde d’échecs d’alors considéré par certains comme le meilleur joueur de tous les temps, Garry Kasparov. Deep Blue, l'ordinateur mis au point par le géant de l'informatique pour défier le cerveau humain en la matière, était venu à bout du champion russe au terme de six manches. Pour expliquer sa supériorité, certains avait alors argué que les échecs étaient un jeu reposant beaucoup sur la puissance de calcul des joueurs et sur leur capacité à anticiper les coups de leur adversaire. Du pain béni pour un super-calculateur, en quelque sorte.
Les sauterelles mangent casher ?
De là l’importance du défi qu’IBM a voulu relever cette fois-ci. Pour vaincre l'homme au Jeopardy, la machine ne pourra en effet se cantonner à une connaissance de "l’Encyclopédie Universalis" sur le bout des circuits électriques. Watson devra aussi être capable de comprendre les subtilités de langage, certaines questions reposant sur des jeux de mots ou sur une signification implicite.
Un obstacle que Watson semble pourtant à même de surmonter... Lors d’une session d’entraînement, à la mi-janvier, la machine n'a donné que des bonnes réponses. Même si elle peut parfois connaître aussi certains ratés… parfois difficilement compréhensibles. Exemple : "À la question : 'Que mange les sauterelles ?', Watson nous avait répondu qu’elles mangeaient casher...", se souvient un brin interloqué Dave Ferruci, l'un des responsables du projet Watson au sein d'IBM.
Si l'ordinateur bat ses adversaires, nul doute que la vieille crainte d’une domination de l'homme par les machines refera surface. Loin des romans d’Isaac Asimov et consorts toutefois, IBM affirme qu'une éventuelle victoire de son bébé pourrait ouvrir la voie à de véritables avancées scientifiques. Comme la capacité, pour les machines, de faire le lien entre une liste de symptômes, la question d’un médecin et une bibliothèque inégalable de cas médicaux du monde entier.