Le président de la Réserve fédérale américaine nie que sa politique monétaire ait pu contribuer à faire monter le prix des denrées alimentaires. La planche à billets n'est pas, pour le chef de la FED, responsable des révoltes.
Et si le président de la Réserve fédérale américaine (FED) était en partie responsable du vent de révolte dans les pays arabes ? Un commentateur économique de la chaîne américaine MSNBC en est convaincu. Des journaux aussi sérieux que le quotidien britannique The Telegragh l’évoquent également ces derniers jours. Ben Bernanke a tenu, jeudi soir, à remettre les pendules à l’heure. "Ni coupable, ni responsable", s’est-il défendu en susbstance.
Le rapport entre l’homme fort de la politique monétaire américaine et le soulèvement populaire en Égypte peut paraître saugrenu. Pourtant, à l’heure où les prix alimentaires atteignent un pic historique selon la FAO (Fonds alimentaire mondiale), il semble logique aux yeux de certains d'établir le lien.
A l’origine de la thèse d’une responsabilité de la FED : la vaste injection de dollars décidée en novembre 2010. Afin de soutenir la croissance, Ben Bernanke avait décidé de faire tourner la planche à billets en achetant pour 600 milliards de bonds du Trésor. Une initiative qui avait fait baisser la valeur du dollar. Et un dollar faible entraîne une augmentation des prix.
Et l’augmentation des prix, notamment en Egypte, n’est pas étrangère aux soulèvements populaires. "55% du budget des ménages est consacré à la nourriture contre environ 2% ans un pays comme la France", rappelle Omar Bessaoud, économiste spécialiste des politiques agricoles en Méditerranée à l'Institut agronomique méditerranéen de Montpellier. Et lorsque le prix du pain augmente, les jeux sont vite faits, surtout s’il y a également de fortes revendications sociales et un mécontentement contre un pouvoir jugé corrompu.
La faute aux biocarburants ? A la spéculation ?
Mais Ben Bernanke refuse d’enfiler la veste de révolutionnaire par ricochet. "La hausse des prix est en grande partie une conséquence de la croissance", a-t-il soutenu. Son bouc-émissaire implicite ? La Chine. L’augmentation de la demande en céréales de ce pays en pleine croissance pousserait les prix vers le haut. Mais pour Omar Bessaoud, économiste spécialiste des politiques agricoles en Méditerranée, la Chine est un faux coupable : "La base de leur nourriture est le riz et la Chine en produit suffisamment tandis que la diversification alimentaire n’est pas encore telle qu’elle joue un vrai rôle dans l’augmentation des prix".
Reste que cet économiste ne pense pas non plus que la politique monétaire américaine a influé sérieusement sur les prix. "C’est un élément mineur comparé aux vraies raisons de cette flambée des prix", assure-t-il. Selon un rapport de l’an dernier de l’OMC, l’importance grandissante des biocarburants en est l’un des facteurs déterminants. "Des millions d’hectares de maïs ne sont plus destinés à l’alimentation mais aux développement des biocarburants", précise Omar Bessaoud. L’offre disponible pour la consommation a donc chuté, ce qui aurait fait grimper les prix.
L’autre coupable serait le spéculateur. Dénoncée notamment par le président français Nicolas Sarkozy avant la tenue du G20 fin janvier, la spéculation est en effet très forte sur les marchés des matières premières. "Après s’être brûlé les ailes sur le marché immobilier, les investisseurs se sont massivement tournés vers les denrées alimentaires", assure Omar Bessaoud. Les grands révolutionnaires qui s’ignorent seraient donc les spéculateurs…
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