Dans une interview exclusive à FRANCE 24, Mohamed el-Baradei, l'un des principaux opposants égyptiens, appelle au départ du président Hosni Moubarak. Il affirme qu'il continuera à participer au mouvement de contestation.
Alors que des milliers de manifestants sont encore réunis ce samedi matin au Caire et qu’un nouveau gouvernement doit être désigné dans la journée, l'opposant Mohamed el-Baradei appelle, dans une interview exclusive à FRANCE 24, au départ du président égyptien Hosni Moubarak.
"Je continuerai à participer [aux manifestations] pour m'assurer que le régime de Moubarak parte, affirme ce samedi à FRANCE 24 l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), rentré jeudi en Égypte.
Un discours "vide de sens"
Celui qui réside habituellement à Vienne, en Autriche, s'était dit prêt lors de son départ pour Le Caire à conduire la transition en cas de départ du président Moubarak.
"Vendredi soir, nous espérions qu'Hosni Moubarak allait décider de partir, mais à la dernière minute il est apparu avec un discours vide de sens, qui a été une grosse déception pour les Égyptiens", déclare Mohamed el-Baradei.
"Hosni Moubarak n'a clairement pas compris le message qui émanait du peuple égyptien, poursuit Mohamed el-Baradei. Sa seule réponse a été de former un nouveau gouvernement, c'était presque une insulte à l'intelligence du peuple. Les gens savent trop bien qu'il est en charge de tous les aspects pour diriger le pays, il n'a proposé aucune réforme politique ou économique."
L’ancien directeur de l’AIEA estime que ce régime, qu’il qualifie de "dictatorial", a "échoué sur les fronts économique et politique". "Nous avons besoin d'un nouveau départ, avec un pays libre, démocratique, dit-il. Nous aurons besoin d'une période de transition".
"Quand un régime se comporte avec une telle bassesse, et ouvre les canons à eau sur quelqu'un qui a remporté le prix Nobel de la paix, cela indique que c'est le début de la fin pour ce régime et qu'il est temps qu'il parte", a-t-il ajouté, en référence aux manifestations de la veille au Caire auxquelles il a participé.
"L'armée n'a pas l'habitude d'affronter les Égyptiens"
Mohamed el-Baradei dit espérer que de nouvelles manifestations "encore plus larges" aient lieu ce samedi. "La police n'est plus dans la rue, c'est l'armée qui a pris la relève, ajoute-t-il. Traditionnellement, l'armée n'a pas l'habitude d'affronter les Égyptiens. J'espère qu'Hosni Moubarak comprendra le message avant que les choses ne deviennent très graves".
Dans la nuit, le président américain Barack Obama a de son côté appelé Hosni Moubarak à "tenir ses promesses d'œuvrer en faveur de la démocratie" et à entreprendre des réformes économiques et politiques. Un message jugé "extrêmement décevant" par l'opposant.
"Les États-Unis ont déclaré vouloir travailler avec le peuple égyptien et le gouvernement, alors qu'il faut faire un choix, estime Mohamed El-Baradei. C'est un gouvernement autoritaire et les gens sont victimes de privations depuis 58 ans. Même si j'ai beaucoup de respect pour Barack Obama, assigner la tâche de mettre en œuvre des réformes économiques et politiques à un homme qui est à la tête d'un système autoritaire et au pouvoir depuis 30 ans, c'est un paradoxe. Le premier véritable changement vers la démocratie, ce serait d'assigner cette tâche à un démocrate."
Même si des responsables égyptiens de la sécurité ont affirmé vendredi que Mohamed el-Baradei était assigné à résidence, celui-ci compte donc bien aller manifester. "Il n'y a pas de troupes stationnées devant chez moi, indique-t-il samedi matin. Du moins je ne pense pas, je vais vérifier cela en sortant de chez moi. Je ne sais pas vraiment dans quelle mesure c'est exact. Selon moi, c'est avant tout un message pour décourager les gens de participer aux manifestations pacifiques."