À Tunis et Sidi Bouzid, des milliers de manifestants réclament le départ des ministres du régime du président déchu Ben Ali. Attendu toute la journée d'hier, le remaniement du gouvernement pourrait intervenir dans les prochaines heures.
Pour la quatrième nuit consécutive, des centaines de manifestants, venus essentiellement du centre de la Tunisie, ont dormi sur l'esplanade de la Kasbah, à Tunis, devant le bâtiment abritant les bureaux du Premier ministre, Mohammed Ghannouchi. Rejoints dès leur réveil par des bataillons de Tunisiens, ils ont une nouvelle fois réclamé, ce jeudi matin, la démission des sept ministres de l'ancien régime. Selon le porte-parole du gouvernement de transition, Taïeb Baccouch, l'annonce du remaniement, attendue hier, devrait intervenir dans la journée.
"Les tractations s'éternisent parce qu'il y a des désaccords sur l'ampleur que doit prendre ce remaniement, explique ce jeudi matin Pauline Simonet, envoyée spéciale de FRANCE 24 à Tunis. La rue réclame la démission de tous les ministres qui étaient en poste sous le régime de Zine el-Abidine Ben Ali. Selon certains ministres qui participent à ces négociations, Mohammed Ghannouchi serait prêt à abandonner trois ministères-clés, ceux des Affaires étrangères, de l'Intérieur et de la Défense."
"Cela suffira-t-il à apaiser la colère des manifestants ?", s'interroge Pauline Simonet. "Certains ministres réclament un remaniement plus important."
"Un terrain, un arbitre et un juge de touche"
Afin de maintenir la pression sur le cabinet, la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a lancé ce jeudi un mot d'ordre de grève générale à Sidi Bouzid. Des milliers de manifestants sont en train de se rassembler dans cette petite ville du centre-ouest du pays, d'où est partie la révolution. Mercredi, ils étaient également des milliers à répondre à l'appel du syndicat et à se réunir à Sfax, dans le centre-est de la Tunisie, pour réclamer la démission du gouvernement.
Le porte-parole national de la centrale syndicale, Ifa Nasr, a indiqué que la direction de l'UGTT doit également se réunir en fin de matinée près de Tunis pour adopter une "décision finale" sur l'acceptation, ou non, du cabinet de transition.
Les manifestants qui exigent le départ du gouvernement de transition ne reflètent pas forcément l'opinion de la majorité de la population, estime de son côté le professeur d'économie et de finances internationales, Moncef Cheikh-Rouhou. "Ce gouvernement n'est pas là pour garder le pouvoir, explique-t-il à FRANCE 24. Il a un objectif simple, rendre les lois cohérentes avec l'élection du tout premier Parlement représentatif de la Tunisie. Le cabinet de Mohammed Ghannouchi est apte à ériger ces lois. C'est une équipe qui vient remettre le pays sur les rails ; il faut lui donner les moyens de travailler vite et bien, et qu'elle disparaisse. C'est un acte de patriotisme réel."
"La jeunesse tunisienne est capable de poursuivre ce mouvement démocratique, mais selon une règle du jeu, poursuit Moncef Cheikh-Rouhou. On ne peut pas jouer au football sans qu'il y a un terrain, un arbitre et un juge de touche. Ce gouvernement doit nous doter du terrain, de l'arbitre et du juge de touche, qui ne soient plus taillés sur mesure pour Zine el-Abidine Ben Ali."