
Fer de lance de la mobilisation actuelle contre le régime de Moubarak, le "Mouvement du 6 avril" est un groupe de jeunes militants égyptiens qui a vu le jour en 2008 sur le Web. Son but : voir le pays figurer parmi les grandes démocraties.
Composé de jeunes opposants égyptiens, le "Mouvement du 6 avril" appelle tous les jours, sur son site Internet, sa page Facebook ou sur son compte Twitter à une mobilisation sans relâche contre le régime du président Hosni Moubarak. Son rêve : voir l’Egypte figurer un jour parmi les grandes démocraties.
Porté par l’élan de la révolution tunisienne, le "Mouvement du 6 avril" utilise la force de frappe d’Internet dans un pays où plus de 17 millions de personnes, soit environ 20 % de la population, sont connectés. Avant les premières manifestations, le groupe a lancé un sondage sur Facebook pour demander : "Allez-vous manifester le 25 janvier ?"
Près de 90 000 personnes ont répondu positivement sur la Toile. Quelques jours après, les plus grandes manifestations d’opposition à Moubarak, au pouvoir depuis 1981, ont effectivement eu lieu au Caire et dans les autres grandes villes : Alexandrie ou Mahala el-Kubra, dans le nord du pays.
"Rendre à l’Égypte sa dignité"
Composé de personnes issues de différents milieux culturels et sociaux, d’âges divers et d'opinions hétéroclites, le Mouvement du 6 avril cherche, avant tout, à trouver "une alternative à la règle autoritaire qui a écrasé la transition démocratique de l’Egypte pendant des années".
"Nous souhaitons atteindre ce dont rêvaient les intellectuels égyptiens et toutes les forces politiques nationales (…) : rendre à l’Egypte sa dignité et établir les bases d’une gouvernance démocratique", peut-on lire sur la page Facebook du Mouvement.
Se définissant comme un groupe de jeunes pacifistes, engagés mais indépendants à l'égard de tout parti politique, ses membres sont généralement des étudiants ou de jeunes diplômés, pour beaucoup sans emplois ou sous-employés, selon Eberhard Kienle, professeur au CNRS et spécialiste du Moyen-Orient.
Le poil à gratter du régime Moubarak
Le mouvement a vu le jour sur Internet en 2008, dans le sillage de la révolte des ouvriers du coton. Souffrant d’une hausse subite du coût de la vie, les ouvriers de Mahala el-Kubra, l’une des plus grandes villes industrielles du pays située au cœur du delta du Nil, ont lancé en janvier 2008 un appel à la grève générale.
Le fondateur du Mouvement, Ahmad Maher, alors étudiant, décide d’utiliser les réseaux sociaux pour défier les autorités. Il relaie l’appel des leaders ouvriers sur Facebook. En quelques jours, le groupe réunit plus de 75 000 adhérents. Les 6 et 7 avril, des milliers de manifestants défilaient dans les rues de Mahala el-Kubra, avant que le rassemblement soit violemment réprimé par la police.
"C’est un mouvement informel qui a grandi avec les nouveaux moyens de communication. Ils ont d’abord relayé les revendications ouvrières classiques, puis ils ont donné à leur propos une dimension collective afin de dénoncer les dérives néolibérales et autoritaires du gouvernement", détaille Eberhard Kienle.
Un rôle d'agitateur social
Les membres du collectif, dont on ne connait pas le nombre exact, ont joué dès lors un rôle d’agitateur social, organisant des manifestations pour la liberté de la presse en Égypte ou pour la paix entre Israël et la Palestine. Figure de proue du mouvement, Ahmad Maher, en compagnie de 14 autres membres du groupe, a été arrêté à plusieurs reprises en 2008 par les autorités pour "incitation à la haine contre le régime".
Remis en liberté sans inculpation, il raconte alors dans les médias étrangers avoir été torturé pendant sa garde à vue et avoir été l'objet de menaces, de viol notamment, de la part des autorités qui souhaitent le faire taire à tout prix.
Mais près de trois ans après sa création, le Mouvement du 6 avril a fini par s'imposer dans le paysage politique de l'opposition égyptienne. Une grande partie de l'opposition traditionnelle, qui avait boudé l'initiative au départ, multiplie désormais les communiqués de soutien à son égard.