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Alors que les différends entre partis flamands et francophones empêchent toujours la constitution d'un gouvernement, les Belges multiplient les initiatives pour dénoncer leur ras-le-bol face à la plus longue crise politique du pays.
AFP - Descendre dans la rue, camper "virtuellement" sous les fenêtres des responsables politiques ou se laisser pousser la barbe jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement voie le jour: les Belges multiplient les initiatives pour dire leur exaspération face à une crise qui n'en finit pas.
Sept mois jour pour jour après les élections législatives du 13 juin, les partis flamands et francophones se disputent toujours sur le degré d'autonomie à accorder aux régions, que les premiers veulent la plus poussée possible, empêchant la constitution d'une nouvelle coalition gouvernementale.
Lors de la précédente crise politique, en 2007, des milliers de drapeaux aux couleurs de la Belgique avaient fleuri aux fenêtres. Une manifestation pour l'unité du royaume avait à l'époque rassemblé quelque 30.000 personnes dans la capitale.
Depuis juin, la population est cette fois restée étrangement apathique, comme égarée par les méandres de négociations byzantines et observant avec une circonspection croissante le ballet des "conciliateurs" et autres "médiateurs" défilant chez le roi Albert II sans parvenir à retrouver la voie du compromis.
Il faut dire que les Belges sont habitués aux longues périodes nécessaires à la formation de gouvernement, le système électoral à la proportionnelle ne permettant jamais de dégager de majorités claires.
Le fait que le gouvernement sortant, qui gère depuis des mois les affaires courantes, ait évité les décisions douloureuses pour le portefeuille, malgré la pression croissante des marchés financiers, explique également la longue indifférence de la population.
Mais il semble que l'absence de gouvernement à Noël et le passage du cap des 200 jours sans gouvernement a constitué un déclic.
"Les signes de ras-le-bol se multiplient", soulignait le quotidien Le Soir cette semaine.
Avec le sens de la dérision et du surréalisme qui caractérise le pays, l'acteur vedette Benoît Poelvoorde a relayé mardi un appel, jusque-là confidentiel, incitant les Belges à ne plus se raser jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement soit formé.
Il est encore trop tôt pour dire si tous les compatriotes de Poelvoorde et d'Hergé ressembleront bientôt au capitaine Haddock, mais son cri du coeur, visible sur http://video.rtlinfo.be/video/261395.aspx, a déjà fait le tour du monde.
Plus cynique et dans la veine de "C'est arrivé près de chez vous", le film qui avait lancé Poelvoorde en 1992, un célèbre caricaturiste, DuBus, a publié sa propre photo le montrant tenant un chat en joue avec un revolver, barré du slogan: "Si vous ne formez pas un gouvernement, je le tue".
Le site http://lerecorddumonde.be décompte avec ironie le nombre de jours qui séparent encore le royaume du record mondial d'absence de gouvernement. Actuellement détenu par l'Irak (289 jours), il pourrait bien être égalé par la Belgique le 30 mars.
Le site www.camping16.be propose quant à lui de planter une tente virtuelle devant le "16, rue de la loi", adresse du bureau du Premier ministre. Ce camping sauvage compte déjà plus de 65.000 "résidents", trois jour à peine après son lancement.
Un jeune Flamand, Kris Janssens, dénonce pour sa part l'incurie des élus dans un mini-clip hilarant. "N'y a-t-il pas une loi qui oblige ces parlementaires à former un gouvernement ?", ironise-t-il notamment sur http://www.youtube.com/watch?v=7RaJJCrIQLw&feature=player_embedded.
Enfin, des jeunes appellent les "Belges et sympathisants" à manifester pour un gouvernement le 23 janvier à Bruxelles, vêtus de blanc, comme lors de la "Marche blanche" qui avait rassemblé en 1996 quelque 300.000 personnes pour dénoncer les crimes du pédophile meurtrier Marc Dutroux.