
Un an après le séisme qui a dévasté Haïti, le Collectif du 12 janvier a appelé la diaspora haïtienne de Paris à venir place du Trocadéro commémorer la tragédie. Témoignages d'une population qui doute, loin des siens.
Sur le parvis de la place du Trocadéro, le temps est maussade. A l’image des Haïtiens de Paris, rassemblés ce mercredi pour rendre hommage aux "victimes sous terre ou sous les tentes", un an après la catastrophe. Tous sont en colère.
Depuis le drame du 12 janvier dernier, rien n'a vraiment changé. Leurs esprits s’échauffent devant le "désespérant constat de la reconstruction" du pays. Civil a 70 ans. A 16h53, l'an dernier, à Port-au Prince, elle a perdu tous ses enfants. Aujourd’hui, son courroux se mêle aux larmes. "Je ne dors même plus tellement je suis angoissée", raconte-t-elle. "Il me reste mes quatre petits-enfants là-bas, seuls, livrés à eux-mêmes". Un an après, "c’est pire", raconte-t-elle. "Toujours pas d’eau, pas d’électricité, pas d’infrastructures, pas de médicaments. [René] Préval n’a rien fait pour nous, absolument rien. Le peuple est à l’abandon !", s’emporte-t-elle.
Pour la majorité des Haïtiens réunis, le président René Préval est en effet le grand responsable des maux de leur pays. Choléra, corruption, misère, pour eux, il ne suffit pas de "blâmer les institutions internationales ou les promesses de dons qui n’ont jamais vu le jour, mais bien ce président corrompu et dangereux pour les Haïtiens", confie Jackson, 20 ans, le poing levé, avant d’aller se déhancher au son du rap haïtien que crachent les enceintes installées pour l’occasion.
"J’ai peur que l’on tombe dans une crise politique grave"
Même constat pour James Saint-Cyr, le président de l’association Kadek (collectif haïtien pour le développement, l’éducation et la culture), qui déplore les "bourdes" du gouvernement. "Quelle idée d’avoir organisé des élections dans ce contexte. C’est vraiment n’importe quoi. J’ai peur que l’on tombe dans une crise politique grave. Qui sait ce qui se passera le 7 février [date à laquelle le mandat de René Préval s’arrête, ndlr] ?".
De l’autre côté de la place, la colère change de cap. Les manifestants, plus jeunes, ne comprennent pas, eux, la faible mobilisation. Ils n’étaient, en effet, qu’une petite centaine à s’être déplacée. Travail, mauvais temps, mauvaise organisation, autant d’arguments que d’absents intolérables. "C’est une honte, où sont les Haïtiens de Paris ?", s’égosille Ebene, un jeune Français d’origine haïtienne, enroulé dans le drapeau national. "C’est un jour spécial, il fallait être là. Maintenant, on va dire qu’on est pas solidaires avec ce qui se passe là-bas".
Anne-Laure, une jeune lycéenne à ses côtés, ne comprend pas non plus. " Au lieu de critiquer l'ONU, et les ONG, balayons devant notre porte. Je m’attendais à beaucoup plus de monde, c’est triste… ", confie celle qui a manqué une journée de cours pour être présente.
"Vous verrez ! Un jour, Haïti se relèvera"
Vers 15 heures, une heure après le début du rassemblement, caméras et manifestants ont commencé à se disperser. Avant de partir, les quelques présents ont tenu à chanter l’hymne haïtien, la Dessalinienne. Un court moment de communion entonné entre les crêpes des touristes et les flashs d’appareils photos.
Beaucoup ont promis de revenir au même endroit le 12 janvier 2012 pour faire un nouveau bilan qu’ils espèrent, cette fois, positif. Et l’espoir est là, tapi dans les promesses d'un avenir meilleur. "Même si notre pays est à terre, même si son existence est menacée", tempête au micro Lainy Rochambeau, porte-parole du Collectf du 12 janvier "Haïti vivra, vous verrez, un jour Haïti se relèvera".