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, envoyée spéciale en Haïti – Un an après le tremblement de terre, la plupart des maisons de la capitale haïtienne n'ont pas été reconstruites. Des millions de personnes vivent toujours dans des camps. Derrière l'activité débordante des rues, le traumatisme du séisme reste vif.

Un an après le tremblement de terre qui a dévasté Port-au-Prince le 12 janvier 2010, la capitale haïtienne n'a plus le même visage. Le paysage n'a pourtant pas vraiment changé. Les immenses camps sont toujours là, installés un peu partout dans la ville. Il y a un an, ces habitations de fortune étaient de bric et de broc, de frêles piquets de bois soutenant des draps, des nappes ou tout ce qui pouvait protéger du soleil et de la poussière. Aujourd'hui, ce sont d'épaisses toiles, souvent distribuées par l'Agence américaine pour le développement (USAID), qui font office de maison pour près de deux millions d'Haïtiens.   Mais dans les rues du centre, le silence qui m'avait pétrifiée il y a un an s'est mué en un vacarme ahurissant. Passants, chèvres, chiens, poulets, motos, voitures, camions se croisent dans un mélange indigeste de cris, de klaxons et de musique kompas. Des commerces improvisés fleurissent à chaque coin de rue ; d'inextricables embouteillages rendent l'atmosphère irrespirable. Les stigmates du séisme sont toujours visibles ça et là, mais la frénésie ambiante les rend presque imperceptibles. Le quotidien s'est reconstruit sur les ruines.   La vie a repris son cours, les 250 000 morts sont enterrés, la page du séisme est tournée. En apparence du moins. "Depuis quelques jours, les gens ont l'impression de ressentir des secousses, affirme David Charlier, collaborateur de FRANCE 24. Il y a des rumeurs, les gens s'arrêtent dans la rue et demandent : 'Vous n'avez rien senti ?’ Mais il n'y a rien, tout ça, c'est dans leur tête : le jour anniversaire du séisme approche."   Un traumatisme à fleur de peau, qui se traduit parfois de façon désarmante. Laënnec Hurgon, un sociologue que nous avons rencontré cet après-midi, en est régulièrement troublé. "Toutes les semaines, j'apprends que des personnes de ma connaissance sont mortes durant le séisme, mais tout cela se fait sur le ton d'une conversation banale, nous raconte-t-il. Lundi, j'ai rencontré une amie, je lui ai demandé des nouvelles de sa sœur. Elle m'a répondu : 'Ah, elle est morte, et pas de sa plus belle mort', d'un ton léger, avant d'enchaîner sur autre chose." Ça, vraiment, Laënnec ne s'y fait pas. Même au bout d'un an. "Pour moi, ce semblant de légèreté n'est pas bon signe."   D'autant que l'ambiance est plutôt lourde à Port-au-Prince. Au traumatisme du séisme s'ajoute, depuis quatre mois, les ravages du choléra. Les soupçons de fraude autour du premier tour de l'élection présidentielle du 28 novembre ainsi que la défiance palpable des Haïtiens à l'égard des ONG et de l'ONU n'arrangent rien. Aujourd'hui, malgré le tumulte des rues de sa capitale, Haïti la survivante qui m'avait tellement impressionnée il y a un an, me semble essoufflée, irritée, exsangue.