, envoyée spéciale à Villejuif – Malgré les menaces qui pèsent sur elle, la communauté copte de France a célébré le Noël orthodoxe, jeudi soir. Reportage dans l’église copte de Villejuif, en banlieue parisienne, où un important dispositif de sécurité avait été déployé.
"Nous avons conscience que les personnes qui sont mortes à Alexandrie sont des martyres et nous allons prier pour leurs âmes. Mais nous avons confiance." Ephraïm El-Baramoussy, le prêtre de l’église orthodoxe copte de Villejuif, une commune située en banlieue parisienne, porte la bonne parole devant une salle comble.
Six jours après un attentat qui a coûté la vie à une vingtaine de fidèles de l'église Al-Kidissine, à Alexandrie, en Égypte, et malgré les menaces proférées sur Internet par un site islamiste à l'encontre de la communauté copte de France, près de 1000 fidèles sont venus célébrer en famille la messe du Noël orthodoxe ce jeudi 6 janvier, 29e jour du mois de khiak d’après le calendrier des martyres.
"J’ai la foi. Alors ce ne sont pas des menaces qui vont m’empêcher de prier. Je ne sais pas quels sont les objectifs des terroristes, mais si c’est la peur, ils ont perdu", confie à France24.com une jeune femme de 21 ans.
"Nous sommes en deuil"
L’ambiance est à la communion en cette soirée pluvieuse. Les femmes se ceignent de leur voile, les hommes psalmodient les Évangiles dans leur barbe. Plus dissipés, des dizaines d’enfants courent vers la crèche grandeur nature installée dans un coin de l’église. Sous la voûte de cet ancien entrepôt de moquette transformé en église il y a un peu plus de dix ans, des centaines de fidèles prient avec ferveur et honorent la mémoire de leurs morts.
Mais si, comme les autres années, certains ont parfois parcouru des dizaines de kilomètres pour être présent ce soir, ils n'ont pas le cœur à la fête. Les agapes habituelles qui viennent mettre un terme aux 43 jours de jeûne qui précèdent le Noël copte n’auront pas lieu. Le prêtre a annulé le grand repas qu’il organise habituellement dans son église et les mères de familles ont renoncé au menu de fête.
"Nous sommes en deuil, explique à France24.com le père Ephraïm. La situation des chrétiens d’Égypte ne cesse de se détériorer depuis l’époque de Sadate [Anouar el-Sadate, qui présida l'Égypte de 1970 à 1981, NDLR]. Moubarak laisse faire car il y a des islamistes terroristes au sein même du gouvernement. Mais nous sommes en colère et demandons l'application des droits de l’Homme", s’insurge-t-il.
"Nous sommes une communauté, on ne fait qu’un. On se sent nous aussi en danger depuis les menaces proférées à notre encontre sur Internet. Cela veut dire que même la France est visée !", renchérit Sarah, une jeune copte française d’origine égyptienne.
Un Noël placé sous haute sécurité
La célébration de la Nativité a été placée sous haute surveillance en France, où vit une communauté de 45 000 à 50 000 coptes.
{{ scope.legend }}
© {{ scope.credits }}À Villejuif, la préfecture du Val-de-Marne et la municipalité ont mis en place un dispositif de sécurité particulier. L’église est entourée de barrières de sécurité et les voitures ont interdiction de se garer à moins de 50 mètres du bâtiment. Un déminage a également été effectué dans l’après-midi pour sécuriser le lieu de culte et ses alentours.
"Nous avons reçu pour instruction d’être vigilant", explique un représentant de la police du Val-de-Marne qui vient vérifier que toutes les équipes supplémentaires dépêchées pour l'occasion sont en place avant le début de l’office.
Un service de sécurité privée d’une dizaine d’hommes assure par ailleurs un filtrage des fidèles à l’entrée de l'église et effectue des rondes régulières pendant l’office.
Tensions intercommunautaires
Les services de renseignements craignent par ailleurs que l’attentat d’Alexandrie et les menaces proférées sur Internet ne viennent réveiller à Villejuif des tensions intercommunautaires qui se sont cristallisées en 2008 avec le projet de construction d’une mosquée à moins de 50 mètres de l’église.
"On est d’accord pour qu’il y ait une mosquée, mais plus loin, explique le père Ephraïm. On a confiance dans la sécurité de la France, mais construire une mosquée à côté d’une église, ce n’est pas raisonnable. Nous avons une trop mauvaise expérience avec ce qui se passe en Égypte."
Une procédure judicaire initiée en 2009 par les prêtres coptes de Villejuif est en cours pour faire déplacer le lieu de construction du futur édifice.
"Il ne faut pas transposer en France ce qui se passe en Égypte, même si on ne peut pas totalement exclure un acte insensé", explique un agent de la Direction du renseignement de la préfecture de police (DRPP, ex-RG), qui rappelle cependant que la communauté musulmane de Villejuif a fait part de sa solidarité aux coptes de France après l’attentat d’Alexandrie.
Celui-ci ne semble d'ailleurs guère préoccupé ce soir... "Nous en sommes à 2,5 sur 7 sur l’échelle de l’inquiétude !", précise-t-il avec humour en se disant heureux de voir la communauté copte réunie pour célébrer la messe. Les forces de l’ordre, qui partagent un thé sucré avec les agents de la sécurité privée sur les marches de l’église, semblent elles aussi se laisser bercer par l’esprit de Noël.
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