logo

L'affaire d’espionnage qui ébranle le groupe Renault

Trois cadres du groupe français sont soupçonnés d’avoir livré des secrets industriels sur la voiture électrique, nouveau fleuron de l’alliance Renault-Nissan, pour lequel les deux géants de l’automobile ont investi 4 milliards d'euros…

L’affaire est électrique. Trois hauts cadres de Renault, soupçonnés d’avoir diffusé à l’extérieur des informations mettant en cause les intérêts de l’entreprise et de son partenaire Nissan, ont été mis à pied lundi. Parmi eux se trouve l’un des membres du comité de Renault, soit l’une des trente personnes les plus influentes du groupe. Les cadres visés ont été sommés de quitter leurs bureaux, ont rapporté à l’AFP des sources proches du dossier. Ils sont, pour le moment, suspendus de leurs fonctions et privés de leurs salaires.

Les voitures électriques de Renault

Les premiers modèles font actuellement leur apparition sur le marché. La Nissan Leaf, a été lancée en décembre, et la berline familiale Fluence ainsi que l'utilitaire Kangoo Express sont attendues à la mi-2011. Renault travaille également au lancement de deux autres modèles électriques inédits : Twizy, un petit véhicule urbain deux places et surtout la Zoé, une petite berline cinq places, qui doivent être respectivement commercialisés au deuxième semestre de cette année et à la mi-2012.

La marque au losange se refuse pour le moment à livrer de plus amples détails mais compte porter plainte. "Sur un plan juridique, nous sommes en train d'étudier toutes les options qui conduiront inévitablement à un dépôt de plainte", a déclaré, ce jeudi, Christian Husson, directeur juridique du constructeur

Les trois cadres sont suspectés d’avoir divulgué des informations concernant l'un de leurs programmes phares : le véhicule électrique. Un programme dans lequel le groupe français et son allié japonais Nissan ont investi près de 4 milliards d’euros, espérant devenir ainsi les leaders mondiaux du secteur.

Une fois l'affaire révélée, Nissan a vu rouge et l’un des responsables de la marque japonaise n’a pas hésité à s’en prendre au groupe de Carlos Ghosn. "Quelles que que soient les fuites, elles concernent notre technologie et non celle de Renault", a-t-il déclaré dans le Wall street Journal. "Nissan est à la pointe des recherches dans le domaine des voitures électriques".

Un secret industriel qui vaut de l’or

L’enjeu est énorme pour les deux géants qui ont placé la voiture verte au cœur de leur stratégie pour les années à venir. "La voiture qui ne pollue pas est l’avenir de l’automobile. Les deux groupes travaillent depuis des années dans ce domaine de recherche", explique Éric Delbecque*, chef du département de sécurité économique de l’INHESJ (Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice), contacté par France24.com. "Dans un secteur archi-concurrentiel, les constructeurs automobiles sont des cibles de choix pour la chasse aux informations stratégiques. Un secret industriel peut valoir de l’or", a-t-il ajouté.

Renault est très bien positionné sur le marché automobile par rapport à ses rivaux. "Dérober ses informations pourrait donc lui faire perdre des années de recherche, voire lui faire perdre tout un marché sans parler des répercussions dans le domaine de l’emploi", explique l’expert en intelligence économique qui refuse toutefois de mettre de l’huile sur le feu. "Pour le moment, on ne connaît ni la nature des informations volées ni leur destinataire".

Le gouvernement s'inquiète

Côté gouvernement, l’affaire a également pris une importance capitale. "L’intelligence économique est l’un des sujets majeurs de la décennie à venir", a déclaré Éric Besson, à l’AFP. Le ministre de l’Industrie, qui s’alarme de la gravité des faits, n’a pas hésité à parler de "guerre économique" et a assuré avoir demandé "à Bercy que l’État renforce les obligations pour les entreprises qui demandent de l’argent public".

La protection de la connaissance industrielle fait actuellement l’objet d’une proposition de loi qui sera discutée la semaine prochaine. Elle devrait prévoir des sanctions contre le fait ou la tentative "de s’approprier, de conserver, de reproduire ou de porter à la connaissance d’un tiers non autorisé une information à caractère économique protégée".

* Eric Delbecque vient de publier "Que sais-je : La guerre économique", aux éditions PUF