Cent treize enfants haïtiens adoptés ont atterri mercredi à Paris. Une arrivée qui clôt un long et douloureux "parcours du combattant" pour ces familles françaises qui patientaient depuis le séisme de janvier que la procédure d'adoption reprenne.
C’est probablement la première fois qu’ils voient la neige. Cent treize enfants haïtiens sont arrivés en France avec leurs familles d’adoption pour passer leur premier Noël dans leur nouveau foyer.
À l’aéroport parisien de Roissy-Charles-de-Gaulle, familles et enfants ont été accueillis par des personnels médicaux qui examineront les enfants en raison de
l’épidémie de choléra qui a fait plus de 2500 morts en Haïti.
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Dans le comité d’accueil parisien, Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères et Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale ont passé en revue le dispositif d’accueil avant l’arrivée des petits. "Ces enfants arrivent en totale sécurité juridique. Je me réjouis que le Premier ministre haïtien ait accepté un accord inter-gouvernemental", a déclaré à la presse la ministre des Affaires étrangères.
Des représentants de différents ministères étaient également présents afin de faciliter les premières formalités administratives des familles adoptantes. Dépourvus de passeports pour la grande majorité, les enfants bénéficient pour l’instant d'un laissez-passer consulaire.
Polémique sur une procédure trop tardive
L’arrivée en France des petits est un soulagement majeur pour les parents qui se battent depuis onze mois pour les faire venir en France. Ils dénoncent l’inefficacité de l’ex-ministre des Affaires étrangère, Bernard Kouchner.
L’association "SOS Haïti enfants adoptés", qui demande l’évacuation des enfants depuis le lendemain du séisme, regrette qu'elle ait été aussi tardive. "M. Bernard Kouchner a laissé pendant près d’un an les familles dans le plus grand désarroi", écrit-elle dans un communiqué.
La France a été l'un des seuls pays à ne pas avoir évacué en urgence les enfants qui étaient en cours d’adoption avant le séisme. Durant les onze mois d’attente, au moins six d'entre eux en voie d’adoption auraient perdu la vie, dénonce encore l’association.
Une juridiction d’exception
Séisme, inondations, choléra, troubles politiques ont par ailleurs ralenti les démarches, ainsi qu’un principe de prudence, accentuée depuis
l’affaire de l’Arche de Zoé. En octobre 2007, les membres de l’association française étaient arrêtés au Tchad alors qu'ils s'apprêtaient à emmener illégalement en France 103 enfants. Ils ont été condamnés pour tentative d’enlèvement.
Cette fois-ci, les procédures ont été respectées. Une fois le processus en marche, tout est allé très vite et les mesures ont été accélérées et finalisées grâce à un accord spécial conclu entre la France et Haïti, à l’initiative de Michèle Alliot-Marie.
Pas de reprise des adoptions
La Convention de La Haye
La Convention de La Haye, signée le 29 mai 1993, porte sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale. Elle énonce quatre grands principes :
- l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération primordiale.
- le principe de subsidiarité : l’adoption internationale ne doit être envisagée que lorsqu’il ne peut être trouvé dans l’État d’origine de l’enfant une solution nationale.
- le passage obligé par des organismes agréés. Les adoptants doivent a minima s’adresser à l’autorité centrale de leur pays.
- la prohibition des profits indus afin d’éviter et de prévenir l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants.
70 pays sont signataires de la Convention dans le monde : 38 considérés comme des pays d’origine et 32 comme des pays d’accueil.
"Nous ne pouvons toujours pas récupérer de nouveaux dossiers", explique à France 24.com une représentante de l’Agence française de l’adoption (AFA). L’enjeu est de taille pour les familles adoptantes, Haïti étant le premier pays d’origine des enfants adoptés en France. 651 enfants y ont été adoptés en 2009, plus de 1000 en 2010. Or la plupart de ces adoptions se sont faites dans le cadre de procédures individuelles - et non via des organismes agréés -, une démarche qui sera interdite si Haïti ratifie la convention.
"ll faut savoir que moins de 5% des enfants adoptés en 2009 en Haïti étaient orphelins. Les familles biologiques sont dans une logique du "laisser partir" pour que les enfants aient une vie meilleure. Mais cela ne rentre pas dans les critères de la Convention", explique l’AFA.
Dans ce cadre, l’accélération des procédures demeure risquée, selon certains détracteurs. "C’est prendre des risques juridiques majeurs et que ces enfants ne soient pas légitimement adoptables, explique Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre, à l’antenne de FRANCE 24, c’est un scandale sur le plan de l’éthique et de l'adoption internationale. "
Un millier d'enfants étaient en cours d'adoption avant le séisme et environ 700 ont déjà rejoint leur famille. Quelque 90 autres devraient arriver vendredi par un second vol affrété depuis Paris.