
Après sept ans de résidence surveillée, l’opposante Aung San Suu Kyi est probablement à quelques heures de sa libération, éveillant les espoirs de ses partisans. L’icône démocratique refuserait les restrictions conditionnant sa libération.
Malgré une impressionnante mobilisation policière, des dizaines de partisans de l’opposante Aung San Suu Kyi se sont amassés devant les grilles du domicile de l’opposante birmane à Rangoun. L’icône démocratique pourrait bientôt être autorisée à sortir de chez elle : la junte aurait levé son assignation à résidence.
"Le généralissime Than Shwe, chef de la junte militaire, aurait signé ce matin le décret de levée d’assignation à domicile d’Aung San Suu Kyi. Il devait expirer demain", affirme Cyril Payen correspondant de FRANCE 24 à Bangkok.
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"Cependant, selon des sources diplomatiques à Rangoun, la dissidente aurait refusé les termes de sa libération", rapporte le journaliste. Lors de précédentes libérations, elle avait été placée en liberté étroitement surveillée. Les forces de sécurité lui avaient interdit de quitter l’ancienne capitale. "Il est probable que la junte lui ait proposé un scénario similaire", poursuit Cyril Payen.
La semaine dernière, Aung San Suu Kyi avait fait savoir, par la voix de ses avocats, qu’elle refuserait toute liberté sous condition. "Elle est avant tout une dirigeante politique", rappelle Marie Bettini, porte-parole de l’association parisienne Info-Birmanie, sur l’antenne de FRANCE 24. "Sans liberté de parole et de mouvement, elle pourrait faire très peu pour la démocratisation de son pays".
Pour la spécialiste, la libération d’Aung San Suu Kyi s’inscrit dans la "stratégie de la junte, consistant à donner l’illusion d’une démocratisation pour que la communauté internationale relâche les pressions sur le pays".
Pas de "lendemains qui chantent"
Prix Nobel de la paix 1991, celle que les Birmans surnomment "la Dame de Rangoun" a passé 15 des 21 dernières années privée de liberté – dans les geôles du régime ou assignée à résidence. Fervente défenseuse de la démocratie et des Droits de l’homme dans son pays, elle est devenue la bête noire du chef de la junte, le généralissime Than Shwe, au point qu’il aurait interdit de prononcer le nom de l’opposante en sa présence.
Les diplomates étrangers ont également quitté les ambassades pour rejoindre le domicile de l’opposante. Selon Cyril Payen, certains d’entre eux ont pu pénétrer dans sa maison. "Autre signe d’une éventuelle libération imminente : son fils Kim Aris, qui vit à Londres, s’est vu refuser des visas pour la Birmanie pendant dix ans, et il vient d’en obtenir un. Il est actuellement en route pour Rangoun", affirme le journaliste.
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L’éventuelle libération d’Aung San Suu Kyi interviendrait quelques jours seulement après la tenue de la première élection organisée dans le pays depuis plus de vingt ans. Un scrutin qualifié de "mascarade" par l’Occident et les membres de la LND (Ligue nationale pour la démocratie). Sous la pression des militaires, le parti d’opposition a d’ailleurs été dissous à la veille des élections. À l’issue de ce scrutin controversé, les militaires ont remporté une large majorité des sièges de l’Assemblée.
"Beaucoup d’experts disent qu’il s’agit moins d’un pas vers la démocratisation du pays que de la dernière étape vers la consolidation du pouvoir des militaires", affirme Cyril Payen, avant de poursuivre : "On ne peut pas s’attendre à des lendemains qui chantent en Birmanie".