Un camp de Roms et de Roumains, installé depuis deux ans à Montreuil-sous-Bois, en banlieue parisienne, est menacé d'expulsion. Résignés mais résolus à ne pas rentrer en Roumanie, les habitants attendent avec anxiété d'être délogés.
Les valises sont prêtes. Linge et vêtements soigneusement pliés. Le strict nécessaire est emballé pour être emporté. La soixantaine de familles roms et roumaines installées dans un camp de fortune à la sortie de Montreuil-sous-Bois, en banlieue parisienne, attendent d’être délogées. Sur ordre de la préfecture, trois policiers sont passés les prévenir mercredi matin de leur expulsion imminente. Les militants et les associations craignent que des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) ne leur soient distribuées en même temps.
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© {{ scope.credits }}Depuis, le café lyophilisé et le soda coulent à flot. Les cigarettes tournent. Personne n’a dormi la nuit dernière dans le camp de Montreuil. Certains ont même hésité à quitter leur cabane pour dormir dans la rue, "au cas où ". "On a peur que la police nous embarque directement et nous mette dans un avion", explique Michaëla, seule Roumaine non Rom du camp.
Ce sont les traits tirés, les yeux injectés de sang et entourés d’une poignée de militants locaux que les habitants du camp s’apprêtent à accueillir les forces de l’ordre ce matin. Au lever du jour, les hommes tiennent conseil autour d’un feu pour envisager les différents endroits où ils pourraient se réinstaller. Certains envisagent de trouver une caravane. D’autres d’aller squatter un autre terrain public.
Et, si les policiers ne sont jamais passés ce matin, les Roumains, résignés, savent qu’il y a peu de chance que la préfecture les oublie. Fin juillet, le gouvernement s'était engagé à faire évacuer dans les trois mois la moitié des 600 campements illégaux en France. Il entend clairement tenir ses engagements.
Le bidonville, plutôt que la Roumanie
Invisible depuis la rue, le camp, apparu il y a environ deux ans, se cache derrière un mur en ruine, au bout du chemin boueux d’un terrain vague municipal qui fait office de décharge sauvage. Selon des militants, le maire Vert de Montreuil avait promis d’y installer l’eau courante et l’électricité. Elles ne sont jamais arrivées.
"C’est ni plus ni moins un bidonville", dit sans détour Anne Verley, une voisine et amie qui fournit de l’eau à ceux qui le demandent. "Les Roumains n’ont ni eau, ni électricité, ni sanitaires. Rien. Ils sont tout simplement abandonnés."
Quand Michaëla, 40 ans, s'est installée dans le camp à son arrivée en France, il y a deux ans, avec son mari et son fils, la famille vivait dans une tente. Maintenant, ils ont une cabane en bois. Comme tout le monde. Quelques morceaux de planche, des vitres en plastique, et un poêle qui fait office de chauffage, éclairage et cuisinière pour les protéger de l’hiver qui arrive.
Ce n’est pas la panacée, pourtant, aucun d’eux ne veut partir. "On s’habitue", explique Michaëla. Ces maisons, aussi précaires et insalubres qu’elles soient, sont les leurs. Les habitants du camp en ont ramassé chaque morceau de bois dans les poubelles alentours. Ils ont tendu des tissus à fleurs aux murs, ont accroché, parfois, une croix orthodoxe ou un bout de miroir pour le décor.
Un générateur a même été dégoté pour éclairer les nuits qui rallongent. Deux euros par maison et par jour pour quelques heures d’électricité. À 6h30, la machine toussote, s’essouffle, grogne une dernière fois et s’éteint. La seconde d’après, des bougies s’allument. Un exercice parfaitement rodé.
La seule solution proposée aux habitants : rentrer en Roumanie pour 300 euros par personne. Sur la centaine de Roms qui vivent dans le camp, seule une femme se dit prête à accepter la proposition. Venue en France pour se faire soigner d’un cancer du sein, elle a vite déchanté. Sans carte de séjour, ni sécurité sociale, ni assurance, elle n’a pu bénéficier des soins nécessaires. Alors elle espère qu’avec 300 euros, elle pourra payer son opération en Roumanie.
Pour les autres, le retour n’est pas une option. "Retourner en Roumanie, pour quoi faire ?", sont-ils plusieurs à demander. Malgré l’accueil qui leur est réservé ici, la France reste à leurs yeux l’unique moyen de survivre. "Ici, on peut trouver du travail, on peut trouver une maison. " Quand ils ne mendient pas, les habitants du camp recherchent et vendent de la ferraille. À 7 centimes le kilo, cette activité leur rapporte en moyenne 40 euros par semaine. Le prix d’un butagaz.
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