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Bataille juridique entre Alstom et Siemens au sujet de l'Eurostar

La Haute Cour de justice de Londres examine une plainte du français Alstom qui vise à annuler un contrat de 800 millions d’euros accordé par Eurostar à l’allemand Siemens. Le géant français cherche avant tout à protéger son monopole dans l'Hexagone.

Au bout du tunnel... le tribunal. Depuis lundi, la Haute Cour de justice de Londres examine la plainte déposée par Alstom contre la société Eurostar, qui a passé commande de 10 trains à grande vitesse à l’allemand Siemens. Le groupe français demande l’annulation pure et simple de l’appel d’offres qui a vu la société qui gère le trafic sous l’Eurotunnel lui préférer l’équipementier allemand pour un contrat de 800 millions d’euros. Siemens "épaule" Eurostar dans cette bataille du rail qui déraille devant les tribunaux. Rappel des faits et des arguments.

Eurostar déclenche la colère de la France. La filiale de la SNCF décide le 7 octobre, à la surprise générale, de passer commande à Siemens de 10 trains à grande vitesse (TGV). Un choc culturel pour cette entreprise qui gère depuis 1994 le trafic sous la Manche. En effet, jusqu’à présent, Eurostar avait un fournisseur unique : Alstom Transport et ses TGV.

Dominique Bussereau, secrétaire d'État français aux Transports, s’émeut ouvertement de ce choix, quelques jours plus tard. Il juge "nulle et non avenue" la décision d’Eurostar. Une sortie qualifiée de "protectionniste" par Berlin. En effet, Steffen Seibert, porte-parole du gouvernement allemand, a jugé "l’intervention française non justifiée".

Alstom joue la carte sécuritaire. Le géant français ne compte pas laisser un contrat de 800 millions d’euros lui passer sous le nez sans rien dire. Certes, les commandes Eurostar ne représentent que 2% des commandes de rames à grande vitesse d’Alstom, mais le marché est hautement symbolique. "Comment Alstom pourra-t-il prétendre pouvoir remporter des appels d'offre à l'étranger s'il perd des parts de marché dans son propre pays ?", estime François Regniault, auteur de "SNCF, la fin d’un monopole" dans le quotidien gratuit Metro.

Le groupe français a un argument tout trouvé : Siemens n’apporte pas les garanties de sécurité suffisantes, notamment en cas d’incendie, pour circuler sous la Manche. Alstom s’en inquiète tout d’abord auprès de la Commission européenne, qui lui rétorque, le 19 octobre, ne pas voir de problème dans cet appel d’offres. C’est alors que la société française décide de saisir la justice britannique pour annuler ce marché.

La libéralisation du marché du rail en ligne de mire. Mais Eurostar contre-attaque. La société fait savoir, en fin de semaine dernière, qu’elle a fait mener plusieurs tests de sécurité sur le train à grande vitesse allemand. Conclusion d’Eurostar : le "TGV à l’allemande" assure sur toute la ligne. Les résultats ont été transmis à la Commission intergouvernementale franco-britannique. Si tout le monde savait quelles allaient être ces concusions, pourquoi cette plainte ? Elle vise surtout à faire traîner les choses. Le procès peut en effet durer jusqu’à 18 mois. Et la banque qui finance Siemens pour la construction des trains ne débloquera pas les crédits avant le verdict.

Pour Alstom, il s’agit aussi de ne rien lâcher alors que la libéralisation du rail semble inévitable. La Commission européenne a répété, en septembre dernier, que l’ouverture du secteur à la concurrence constituait une de ses priorités. Ce n’est donc pas le moment pour Alstom de laisser un concurrent s’immiscer dans son pré carré.