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Les Français redoutent la pénurie et se pressent aux pompes à essence

Craignant que le mouvement de grève ne provoque une pénurie de carburant, de nombreux automobilistes français se ruent sur les stations-service pour s'approvisionner. Reportage dans le 15e arrondissement de Paris.

De nombreux automobilistes se pressaient, ce lundi, dans les stations-service encore ouvertes malgré le message du Premier ministre François Fillon qui se voulait rassurant, dimanche soir sur l’antenne de TF1. "Il n'y aura pas de pénurie (…) je ne laisserai pas bloquer notre pays". Visiblement le Premier ministre n'a pas convaincu les Français.

La situation dans les stations-service de l'Hexagone a empiré, ce lundi, après un week-end marqué par un début de pénurie d'essence et de diesel suite au conflit social contre la réforme des retraites, à la grève dans les 12 raffineries et le blocage des dépôts de carburant. Lundi matin, les raffineries ont, d'ailleurs, toutes décidé de reconduire la grève obligeant le gouvernement à activer en début d'après-midi un centre interministériel de crise pour assurer "la pérennité du ravitaillement en carburant" dans le pays.

Selon l'Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP), qui distribue 60% du carburant en France via la grande distribution, quelques 1 500 stations-service sur 4 800 sont à sec. Selon l'AIE (Agence internationale de l'énergie), la France a commencé à puiser dans ses stocks industriels.

Le site Carbeo.com, qui tient à jour une carte de France interactive sur les pénuries de carburant, recensait lundi après-midi plus de 880 stations-service aux réserves épuisées.

Réapprovisionnée dans la nuit, la station-service de la porte d’Issy, dans le 15e arrondissement de Paris, était ouverte ce lundi matin. De nombreux automobilistes s’y sont arrêtés pour faire le plein.

Carlo, 49 ans, chauffeur de taxi
"Cela fait cinq ans que je suis chauffeur de taxi, c’est la première fois que je vois ça. Mais bon, je suis obligé de faire la queue, je dois bien travailler. J’espère surtout qu’il en restera quand ce sera mon tour. C’est la troisième pompe que je croise ce matin, les autres étaient à sec. Je perds donc une demi-heure et de l’argent pour faire le plein, surtout que le matin avant 9h c’est normalement le moment où il y a le plus de travail."

Christophe, 28 ans, dépanneur
"J'ai commencé mon service à minuit, mais comme la station à côté de chez moi était à sec, je n’ai pas pu travailler de la nuit. J'ai accumulé beaucoup de retard, je n'ai pas encore fait le moindre dépannage. Quand j’ai vu que la station avait été réapprovisionnée, je suis venu faire le plein avec ma voiture personnelle et maintenant je fais la queue avec mon véhicule professionnel. Heureusement, ils ont encore du café chaud à la station."

Caroline, 32 ans, cadre à la Poste
"C'est la première fois que je fais le plein depuis le début de la crise. Je me suis arrêtée ici parce que c’est sur ma route et que j’ai vu qu’ils avaient encore de l’essence. J'habite dans le coin et je travaille en Seine Saint Denis. Je n'ai pas d'autre choix que de faire la queue ce matin. Mais bon, malgré l'attente et le froid, je garde le sourire. Après ça, je serai tranquille pour toute la semaine."

Jean-Noël, 40 ans, éboueur
"Pour moi, le travail a commencé à 6h10 du matin. On a déjà fait une première tournée avec l’essence qui nous restait de la veille et là je fais le plein avant le deuxième ramassage. Je prends du temps sur ma pause pour mettre de l’essence, je n'ai pas le choix. Mais bon tout cela n’est rien comparé aux grèves de 2009 en Martinique. Je me souviens qu'à l'époque il y avait des files d’attente de 4 à 5 km. Ce qui se passe ce matin c’est de la rigolade à côté."

Philippe, 49 ans, ingénieur informaticien
"Je suis déjà venu hier soir à cette station pour tenter de faire le plein, mais j’ai renoncé, il y avait trop de monde. Ce matin, je fais la queue comme tout le monde, j’en ai pour une demi-heure je pense. Normalement je vais au travail en transport en commun, mais ce matin, j’ai pris le scooter de ma femme pour remplir son réservoir. Malgré les mots rassurants du Premier ministre, il y a bien un problème d’approvisionnement en essence sur Paris aujourd’hui."

Marius, 25 ans, ouvrier dans le bâtiment
"Le compteur de ma voiture indique qu’il ne me reste que 80 km à faire avec l’essence que j'ai dans le réservoir. Je viens d’Antony et là-bas les stations sont à sec. Heureusement, j’ai trouvé cette pompe ouverte sur la route et mon patron m’a demandé de faire la queue, quitte à perdre du temps. On travaille nous, on n'a pas le choix. Sans essence, c’est comme si on travaillait sans pied !"