
Deux mois et demi après un drame qui a entraîné des violences à Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher, où un gendarme avait abattu un jeune Gitan lors d'un contrôle routier, le militaire auteur du coup de feu a été mis en examen vendredi.
AFP - Le gendarme qui a tué par balle un jeune gitan en juillet lors d'un contrôle dans le Loir-et-Cher a été mis en examen vendredi à Blois, deux mois et demi après un drame qui avait entraîné des violences sans précédent dans la région et un tour de vis sécuritaire du gouvernement.
Le militaire, âgé de 35 ans, a été entendu vendredi matin par le juge d'instruction Xavier Girieu. Ce dernier l'a mis en examen pour "coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", a annoncé son avocat, Me Benoît Chabert. Son client avait été convoqué pour "homicide volontaire", a-t-il souligné.
De son côté, le gendarme, qui invoque la légitime défense, s'est constitué partie civile dans le dossier de la tentative d'homicide volontaire contre lui-même.
Les faits remontent au soir du 16 juillet. Luigi Duquenet, un jeune gitan de 22 ans recherché par les gendarmes après un vol de 20 euros, a été tué par balle lors d'un contrôle à Thésée-la-Romaine (Loir-et-Cher), dans des circonstances controversées. La vieille voiture à bord de laquelle circulait Luigi, conduite par son cousin Miguel, avait déjà forcé un premier contrôle, avant d'être suivie par un véhicule de gendarmerie dans la vallée du Cher.
Me Chabert a révélé au passage que Luigi Duquenet était "en état d'évasion" au moment des faits, parce qu'il n'avait pas respecté les conditions de son régime de semi-liberté. Ce qu'ignoraient les gendarmes le poursuivant.
Vendredi matin, le gendarme auteur du tir a livré sa version des faits au juge.
"Il s'est positionné devant la voiture", a expliqué l'avocat, citant son client. "La voiture ralentit et elle fonce sur lui. Il tire deux fois, la voiture le dépasse".
"Premièrement, il sauve sa vie, il agit en état de légitime défense, deuxièmement il applique à la lettre l'article L 2338-3 du code de la Défense qui donne la possibilité de faire usage d'une arme" dans une telle situation, a-t-il ajouté.
L'objectif du double tir était "d'arrêter le véhicule et de sauver sa vie", selon lui.
Son client, qui n'est plus en poste à la brigade de Saint-Aignan, a "indiqué qu'il comprenait la douleur de la famille et des proches de la personne décédée", a poursuivi Me Chabert. "Toute sa vie, il aura sur la conscience le poids des conséquences de l'exercice de sa mission".
Pour autant, cette mise en examen pour coups mortels et non homicide volontaire, a été fraîchement accueillie par l'avocat des proches de Luigi, Me Jean-Claude Guidicelli. "Une qualification a minima, favorable et bienveillante", a-t-il jugé.
Les différentes parties attendent désormais l'annonce d'une date pour la reconstitution, et les résultats de l'expertise balistique. L'expertise de la voiture a déjà montré que la victime a été atteinte sur le côté, et non de face, selon Me Guidicelli.
La mort de Luigi avait déclenché une flambée de violences dans la paisible vallée du Cher. Le 18 juillet, plusieurs dizaines de membres de la communauté des gens du voyage, armés de haches et de barres de fer, s'en étaient pris notamment à la gendarmerie de Saint-Aignan, avaient brûlé des voitures et tronçonné des arbres ou des feux de signalisation.
La nuit suivante, plusieurs villages des alentours avaient été à leur tour la cible de dégradations.
A la suite des incidents, le président Nicolas Sarkozy avait annoncé une réunion sur les "problèmes que posent les comportements de certains parmi les gens du voyage et les Roms", première étape de sa politique de reconduite aux frontières visant ces derniers.