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"La situation s'est fortement détériorée, mais pas autant qu'en 2008"

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) tient une réunion de crise ce vendredi que Concepcion Calpe, experte des marchés de céréales à la FAO, décrypte pour France24.com.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation (FAO) a tenu, ce vendredi, une réunion de crise pour évoquer la flambée actuelle des prix alimentaires. Cette réunion extraordinaire d’une journée, à Rome, vise à avoir une vue d’ensemble sur la situation, alors que de plus en plus de personnes évoquent le risque d’une nouvelle crise alimentaire comme celle qui a provoqué des"émeutes de la faim" en 2008. Concepcion Calpe, experte des marchés de céréales à la FAO et qui assiste à cette réunion, en décrypte les enjeux alors que des émeutes ont secoué le Mozambique en septembre.


France24.com - Quel but espérez-vous atteindre avec cette réunion ?

Concepcion Calpe - Nous voulions surtout fournir une réponse à la peur qui est en train de monter au sein des populations face à la montée des prix des céréales et du riz. Lors des discussions ce matin, nous en sommes arrivés à la conclusion que la situation s’est certes fortement détériorée, mais que pour l’instant nous ne sommes pas dans une situation similaire à celle de 2008.

F24 - Mais ne nous dirigeons-nous pas vers une situation similaire à 2008, étant donné le bond de 20 points de l’indice des prix des céréales entre juillet et août ?

C. C. - Il nous est impossible de prévoir précisément comment va évoluer la situation. Tout ce qu’on peut dire à l’heure actuelle, c'est que les fondamentaux des marchés de céréales sont meilleurs qu’à l’époque. Après il y a des facteurs sur lesquels nous ne pouvons pas avoir d’influence comme la politique des gouvernements, la météo et la volatilité des marchés qui restent très opaques.

F24 - Est-ce que cette réunion peut avoir un impact concret sur la situation ?

C. C. - La grande priorité du moment, c'est d'avoir une plus grande visibilité sur les niveaux de production des céréales et des denrées alimentaires. On pourrait espérer que cette réunion serve de socle à une réflexion plus large sur les mécanismes à mettre en place pour éviter que ces augmentations très fortes des prix se répètent.

F24 - La Russie, qui a décrété une interdiction des exportations de céréales suite aux sécheresses de cet été, est représentée à cette réunion. Quelle est aujourd’hui sa position ?

C. C. - La question a été abordée, mais pour l’heure la Russie ne s’est pas engagée à lever l’interdiction des exportations. Le pays a vraiment été durement touché par ces sécheresses et doit faire face à des problèmes intérieurs importants [selon une étude russe du 23 septembre, le pays va devoir importer près de 6 millions de tonnes de céréales pour faire face à ces besoins, NDLR].

F24 - Le rapporteur spécial de l’ONU pour l’alimentation, Olivier De Schutter, a rendu un rapport ce jeudi dans lequel il évoque une "bulle spéculative" qui contribuerait grandement à la dégradation de la situation, qu’en pensez-vous ?

C. C. - Il est clair qu’il y a une très forte volatilité sur ces marchés qui brillent par leur opacité. Nous réfléchissons actuellement à la faisabilité et à l’opportunité de mécanismes qui permettraient de limiter l’impact de certaines spéculations. La question est sur la table.