
Soucieux de mettre fin à la crise politique provoquée par le départ de son ex-allié Gianfranco Fini, le président du Conseil italien évoque la tenue d'élections anticipées. Une stratégie à double tranchant...
"La confiance, ou les urnes". La perspective d'une élection anticipée, brandie à plusieurs reprises par Silvio Berlusconi, agite une nouvelle fois la scène politique italienne. Le président du Conseil a annoncé vendredi qu'il solliciterait un vote de confiance du Parlement, en septembre, sur un programme en cinq points, et menacé de démissionner en cas d'échec.
Alors que les "rebelles" de la majorité avaient d'abord semblé approuver les grandes lignes du programme présenté par le Cavaliere, le ton s'est envenimé entre Silvio Berlusconi et le camp de son ancien allié, Gianfranco Fini. Celui-ci a claqué la porte du Peuple de la liberté (PDL), fin juillet, pour constituer un groupe parlementaire dissident, Avenir et liberté, entraînant dans son sillage une trentaine de députés et une dizaine de sénateurs. Cette rupture spectaculaire, au terme de plus de 16 ans d'alliance, prive le chef du gouvernement d’une majorité absolue à la Chambre.
Depuis, Silvio Berlusconi laisse entendre qu'une élection anticipée serait la seule solution pour mettre fin à la crise politique qui secoue le pays. "Il faut se méfier des déclarations publiques, nuance cependant Alfio Mastropaolo, professeur de sciences politiques à l'université de Turin. Silvio Berlusconi adopte un air farouche envers ses anciens alliés parce qu'il a besoin de rassurer la Ligue du Nord [parti populiste qui forme une coalition avec le PDL]. Il doit montrer qu'il ne fera de compromis ni avec les anciens centristes ni avec Gianfranco Fini. Mais il prendrait un risque réel en s'engageant maintenant dans un processus électoral."
Rupture consommée
- une vaste réforme de la justice
- réduction de la fiscalité
- accélération de l'évolution vers le fédéralisme
- vaste plan d'aide au sud du pays, le Mezzogiorno
- renforcement de la sécurité et de la lutte contre l'immigration clandestine
Vendredi, Silvio Berlusconi a pourtant haussé le ton : le programme en cinq points n'est pas négociable et les partisans de Fini doivent "l'accepter ou quitter le gouvernement", a-t-il lancé. Un ultimatum qui a été peu apprécié par Avenir et liberté. "La logique de Berlusconi relève des milieux d'affaires, pas de la politique", a dénoncé, dimanche, l'un des proches de Gianfranco Fini, Italo Bocchino, laissant entendre que la rupture entre les deux clans était consommée. "Nous ne pouvons pas accepter qu'on nous demande de soutenir à 100 % un programme sur lequel nous n'avons pas été invités à nous prononcer."
De son côté, le président du Conseil commence à préparer sa base à la perspective d'une élection anticipée. "Préparons-nous à voter, même dans un court délai, a-t-il affirmé ce week-end. Si nous n'obtenons pas l'engagement de la majorité, il n'y aura pas d'autre option qu'un vote d'ici décembre."
Umberto Bossi, le dirigeant de la Ligue du Nord, plaide lui aussi pour des élections avant l'échéance de 2013. "Je pense qu'un scrutin doit être organisé", quelle que soit l'issue du vote, a-t-il indiqué.
Le parti populiste et xénophobe, grand vainqueur des élections régionales de mars, a de fortes chances de conforter son succès en cas de nouveau scrutin. Un résultat qui serait à double tranchant pour le leader de la majorité : "Cela serait positif car la Ligue est un allié loyal du PDL, mais en même temps, les gens de droite votent pour ce parti car ils se méfient du Cavaliere", explique Alfio Mastropaolo.
Désaveu catholique
La semaine dernière, Silvio Berlusconi a estimé que le PDL et la Ligue du Nord remporteraient "largement" un scrutin anticipé. Mais si la loi électorale lui est effectivement très favorable, rien ne garantit à 100 % une victoire de sa coalition, estime Alfio Mastropaolo. Outre une cote de popularité en baisse dans les sondages, le chef du gouvernement doit faire face à un désaveu de l'Église catholique.
Après la série de scandales concernant sa vie privée, qui avait déjà choqué l'Église, c'est la politique migratoire de Silvio Berlusconi qui irrite. Emboîtant le pas des autorités françaises, le gouvernement italien a annoncé il y a quelques jours qu'il allait demander à l'Union européenne (UE) l'autorisation d'expulser les Roms qui ne répondent pas à certaines "exigences minimales".
Dimanche, le pape Benoît XVI a appelé à l'accueil des hommes de toutes origines et à la "fraternité universelle". Samedi, le directeur général de la Fondation pour les migrants de la Conférence espiscole italienne, Monseigneur Giancarlo Perego, a également dénoncé la "politique discriminatoire" à l'égard des Roms, non seulement de la France mais aussi de l'Italie.
"L'association catholique est très puissante dans le pays, c'est une constellation économique et politique, note Alfio Mastropaolo. Les catholiques italiens votent traditionnellement plus à droite qu'à gauche. Même si la majorité des électeurs change rarement de camp, ces critiques peuvent être un élément décisif. On peut perdre des élections pour quelques dizaines de milliers de voix."
Statu quo
Gianfranco Fini n'aurait lui non plus pas forcément intérêt à la tenue d'élections anticipées. "Il est en train d'organiser la structure de son nouveau parti, c'est très compliqué pour lui. Je ne pense pas qu'il ait intérêt à se lancer dans une campagne électorale, il n'est pas prêt", estime Alfio Mastropaolo.
"Je pense que la politique italienne va encore faire du surplace pendant plusieurs mois, poursuit-il. Jusqu'à ce que finalement, peut-être, tout se précipite... Pour l'instant, la gauche est divisée, conflictuelle. Mais peut-être qu'elle aura réussi à ce moment-là à se trouver un 'nouveau Prodi' [ancien président du Conseil]."
Ce n'est pas à Silvio Berlusconi mais bien au président, Giorgio Napolitano, que reviendrait la décision de convoquer des élections avant 2013. Plutôt que de dissoudre le Parlement en cas de rejet du vote de confiance en septembre, il peut choisir de confier à une figure plus consensuelle la tâche de constituer une nouvelle majorité.