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L'Église catholique s'insurge contre les expulsions de Roms

Dans le sillage de nombreux évêques et hommes d'Église français, le Pape a, à son tour, critiqué la politique française d'exclusion des Roms. Quelques jours auparavant, le cardinal André Vingt-Trois était monté au créneau.

La colère monte au sein de l’Église catholique contre les politiques de sécurité et d’immigration du gouvernement français. Quelques jours après l’expulsion de 200 Roms vers la Bulgarie et la Roumanie, le pape Benoit XVI a associé sa voix à celles de nombreux évêques français qui condamnent ces mesures.

Fillon veut saisir le président de la Commission européenne

Muet sur le sujet depuis le 30 juillet, date du discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy sur la sécurité, le Premier ministre, François Fillon, a appelé par voie de communiqué à agir "avec fermeté, continuité et justice, sans laxisme ni excès" dans ce dossier et a mis en garde contre une "instrumentalisation de la lutte contre l'immigration clandestine", aussi bien à gauche qu'à droite.

Il a par ailleurs annoncé saisir le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, sur la question des Roms mercredi en vue d'"approfondir la coordination" avec Bucarest et Sofia et "d’accentuer les initiatives dans le cadre européen".

"Les textes liturgiques de ce jour nous redisent que tous les hommes sont appelés au salut", a déclaré le souverain pontife dimanche - en français et devant des pèlerins et étudiants venus de l’Hexagone - depuis sa résidence d’été à Castel Gandolfo. "C’est aussi une invitation à savoir accueillir les légitimes diversités humaines à la suite de Jésus, venu rassembler les hommes de toute nation et de toute langue".
Le même jour, l’archevêque d’Aix-en-Provence et d’Arles a dénoncé "les discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu’il y a des populations inférieures", après avoir assisté au démantèlement d’un camp illégal de Roms.

Avant le pape, le cardinal

Ces paroles font écho à l’avalanche de critiques exprimées par certains hommes d’Église lors de la célébration de l’Assomption au Puy-en-Velay le 15 août dernier. Dans son homélie, le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris et président de la conférence des évêques de France, s’était alors interrogé : "pouvons-nous prendre notre parti de l’écart croissant entre les citoyens qui jouissent de la sécurité des droits sociaux et ceux qui sont lentement marginalisés et poussés dans l’exclusion ? De quel prix payons-nous nos sécurités ? Ou plutôt, à qui les faisons nous payer ?".

Le cardinal s’en était également vivement pris au "cirque" provoqué par la question sécuritaire et avait dénoncé la "surenchère d’invectives" du débat politique. La veille devant des journalistes, le cardinal d’ordinaire peu loquace sur les questions politiques regrettait "les réflexes protectionnistes de ceux qui ont peur de l’avenir, peur de perdre ce qu’ils ont, alors que de plus en plus de personnes sont marginalisées dans la vie économique et collective".

Opposition des évêques depuis le discours du 28 juillet

Les prises de positions publiques du cardinal puis du pape apportent de l’eau au moulin à de nombreux hommes d'Église française qui se sont insurgés contre "la généralisation hâtive" et la "recrudescence de la stigmatisation dont sont victimes les gens du voyage" dès le 28 juillet.

Ce jour-là, devant le perron de l’Élysée, le chef de l’État avait annoncé une série de mesures sévères contre "certains" Roms et gens du voyage. Dix jours auparavant, la commune de Saint-Aignan, dans le département du Loir-et-Cher, avait été mise à sac par une cinquantaine de gens du voyage à la suite du décès d’un jeune gitan lors d’une course poursuite avec la police.

À part Brice Hortefeux, qui s’est déclaré lundi matin sur la radio Europe 1 "tout à fait disposé à rencontrer […] le cardinal André Vingt-Trois", le reste de la classe politique est resté sourd aux critiques de l’Église. Lundi sur France 2, Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, a même cru bon de rappeler le "principe de séparation de l’Église et de l’État".

Les mesures prises contre les Roms, et plus largement, la politique sécuritaire du gouvernement, attisent l’ire d’une partie de la majorité, notamment de sa branche chrétienne-démocrate. Étienne Pinte, député UMP des Yvelines était déjà monté au créneau cet hiver en dénonçant les expulsions d’Afghans vers leur pays en guerre. Début août, dans les colonnes du magazine chrétien La Vie, il n’a pas hésité à mettre en garde le gouvernement contre une fronde d’une partie de la majorité. "Si le gouvernement s’aventure sur le chemin indiqué par le chef de l’État, on peut s’attendre à un bras de fer entre les députés démocrates-chrétiens [...] et ceux qui, cet été, ont fait surenchère de déclarations belliqueuses".