
Paris et Moscou avaient annoncé, en mars, l'engagement de "négociations exclusives" pour l'achat du porte-hélicoptères français Mistral. Cinq mois plus tard, la Russie annonce son intention de remettre le marché en jeu.
AFP - La Russie, dont les négociations avec la France sur l'achat de puissants navires de guerre Mistral achoppent sur les transferts de technologie, remet le marché en jeu en ouvrant un appel d'offres à tous les acteurs du marché, a-t-on appris jeudi.
"Le ministère de Défense va lancer un appel d'offres, une commission est en cours de création pour l'organiser", a indiqué à l'AFP Igor Riabov, un porte-parole de la holding russe des chantiers navals OSK. Cette holding est un partenaire potentiel des constructeurs étrangers comme la France, ou le sud-coréen Daewoo, sur ce marché.
Cet appel d'offres devrait être lancé en septembre.
Contacté par l'AFP, le ministère russe de la Défense n'a pour sa part fait aucun commentaire dans l'immédiat
Selon le quotidien économique russe Kommersant, c'est OSK, holding présidée par le vice-Premier ministre Igor Setchine, qui a "obtenu du ministère de la Défense l'ouverture d'un appel d'offres".
M. Setchine, une personnalité influente auprès du Premier ministre Vladimir Poutine, a été récemment chargé des négociations sur l'acquisition du Mistral.
Paris et Moscou avaient annoncé en mars des "négociations exclusives" pour l'achat de ce porte-hélicoptère. En juillet, le président français Nicolas Sarkozy avait annoncé que la décision de construire en France deux Mistral pour la Russie était "certaine".
Pour le journal Kommersant jeudi, l'annonce d'un appel d'offres "signifie que le ministère russe de la Défense a renoncé à l'achat sans alternative du porte-hélicoptères français".
Mais la partie française a déclaré ne pas être inquiète.
"La France ne voit aucune raison de s'inquiéter des développements", a déclaré la présidence française. "Les conversations se poursuivent normalement, dans un excellent contexte", a ajouté le palais de l'Elysée.
Pour des observateurs, la décision de Moscou est surtout un moyen de faire pression sur Paris pour avancer dans les négociations.
Paris est en négociations depuis 2009 avec Moscou sur ce marché de quatre bâtiments, dont la Russie voudrait construire plusieurs exemplaires dans ses propres chantiers.
De source française proche du dossier, on précise qu'il s'agit de "négociations directes entre Paris et Moscou sur des coques non armées".
Le commandant en chef de la marine russe, l'amiral Vladimir Vissotski, a de son côté souligné en juillet que Moscou exigeait un transfert de technologie, faute de quoi le marché n'aboutirait pas.
Le porte-parole d'OSK a d'ailleurs indiqué que la holding proposait à la France une coopération poussée.
"Nous proposons à la partie française de créer une entreprise commune" pour construire ces navires en Russie, a-t-il dit.
L'alternative qui risque d'être opposée au Mistral dans cet appel d'offres est une coopération entre OSK et le sud-coréen Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME), avec lequel la holding russe a déjà une coentreprise.
Il s'agirait de construire dans les chantiers navals russes le porte-hélicoptère sud-coréen de classe Dokdo, d'un coût estimé à 650 millions de dollars (500 millions d'euros), un prix équivalent à celui du Mistral.
L'annonce par la Russie de son intention de commander à la France quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC) de type Mistral, un navire de 200 mètres capable d'emporter hélicoptères, troupes et blindés pour des interventions rapides, avait suscité l'inquiétude des pays baltes et de la Géorgie.
Cette perspective, qui serait la première transaction de ce type entre un pays de l'Otan et la Russie, a également suscité des critiques aux Etats-Unis.