
Sarath Fonseka, ancien commandant en chef des armées sri-lankaises et artisan de la victoire contre les Tigres tamouls, a été condamné par une cour martiale pour avoir fomenté un coup d'État contre le président en place. Portrait.
Sarath Fonseka à la barre d’une cour martiale. Le tableau a quelque chose d’étrange. L’homme, considéré au Sri Lanka comme un héros de la lutte contre la rébellion tamoule, est désormais persona non grata dans son pays. Il vient d’être reconnu coupable de s’être immiscé dans les affaires politiques nationales alors qu’il portait encore l’uniforme militaire.
Selon une source au sein de l’armée citée par l’AFP, la cour l’a condamné à être dégradé. Exit, donc, les distinctions accumulées pendant ses quarante années de carrière militaire. Le tort de Sarath Fonseka est de s’être présenté face au président sortant Mahinda Rajapakse à l’élection présidentielle de janvier 2010. L’ex-militaire avait pourtant quitté l’armée deux mois auparavant, à l’apogée de sa carrière…
Parallèlement, Fonseka fait aussi l’objet d’une seconde enquête pour corruption dans l’attribution d’un marché public. L’affaire devrait être, elle aussi, jugée devant une cour martiale dans les mois qui viennent… Un bien triste destin pour la figure emblématique de la lutte contre les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), un mouvement indépendantiste créé en 1976 inscrit sur la liste noire américaine des organisations terroristes.
Brillante carrière militaire
Originaire de la petite ville côtière d’Ambalangoda, Sarath Fonseka a consacré toute sa vie à l’armée. Aux yeux des Sri Lankais, il passe pour le principal artisan de la victoire finale des forces régulières contre l’organisation séparatiste tamoule, en mai 2009.
Détenteur de la précieuse carte verte qui permet d’émigrer et de travailler aux États-Unis, il n’a pourtant jamais cédé au mirage américain, préférant entrer au service de l’armée sri-lankaise en 1970, à l’âge de 20 ans, après avoir achevé sa formation en Occident. Si la situation est plutôt calme dans le pays à l’époque, les tensions avec les séparatistes tamouls ne tardent pas à naître. En 1983, les heurts dégénèrent en une guerre civile qui durera vingt-six ans. Vingt-six années au cours desquelles le jeune soldat gravit un à un les échelons militaires.
Dans les années 1980 et 1990, les opérations auxquelles Sarath Fonseka participe se concentrent autour de la ville de Jaffna, la capitale culturelle tamoule située sur une péninsule, à l’extrême nord du Sri Lanka. Passée sous le contrôle des Tigres tamouls en 1992, la ville est reprise par Fonseka – désormais colonel –, l’année suivante. L’homme est blessé au cours des combats, ce qui ne l’empêche pourtant pas de libérer, quelques mois plus tard, plusieurs centaines de soldats de l’armée régulière assiégés par les Tigres dans le fort de Jaffna, au cours d’une opération spectaculaire.
Artisan de la reddition des rebelles
L’année 2000 marque toutefois un tournant dans sa carrière. Fonseka connaît alors sa première grande défaite dans la passe des Éléphants, l’une des seules voies terrestres permettant d’accéder à la péninsule de Jaffna. Malgré une résistance acharnée de ses hommes, le site tombe aux mains des séparatistes tamouls. Une humiliation que le colonel digère d’autant moins que la passe de l’Éléphant ne sera reprise par l’armée que neuf ans plus tard.
Promu commandant en chef des armées en 2005, Sarath Fonseka échappe de peu à un attentat-suicide l’année suivante. Neuf de ses collaborateurs sont tués dans l’attaque. Lui est sérieusement blessé. Sa convalescence, qui dure plusieurs mois, ne fait que renforcer sa détermination à éradiquer la rébellion tamoule, si bien qu’en 2009, il prend la tête de l’assaut final de l’armée gouvernementale contre les Tigres.
Au terme de plusieurs décennies de guerre civile, Fonseka parvient à chasser les rebelles de toutes les villes qu’ils contrôlaient jusqu’alors et les accule dans le nord du pays. Selon l’ONU, près de 50 000 civils sont pris au piège... Les blessés sont légion et manquent de tout : eau, nourriture, médicaments. La situation est telle que, le 18 mai 2009, la rébellion tamoule est contrainte de déposer les armes, au terme de combats qui ont fait quelque 20 000 morts, selon les Nations unies.
"[Cette victoire contre les LTTE] est le couronnement de ma carrière militaire", confiait Fonseka à un journaliste de la chaîne britannique BBC au lendemain de leur reddition. Nommé ministre de la Défense en juillet 2009, il abandonne le poste six mois plus tard pour se consacrer à la politique. Ironie du sort : l’opposition dont il prend la tête est composée d’une multitude de petites formations politiques musulmanes et … tamoules.