
Créé lors du Grenelle de l'environnement, le Haut conseil aux biotechnologies a émis, mercredi, un avis favorable sur la culture d'une pomme de terre transgénique. Au risque d'ouvrir la voie à une reprise des cultures OGM en France.
Depuis mars, la culture d’un second organisme génétiquement modifié (OGM) est autorisée par l’Union européenne (UE) : la pomme de terre Amflora. La France, qui applique depuis 2008 un moratoire sur la culture du maïs Mon810, seule plante transgénique dont la culture était jusqu’ici autorisée dans l'UE, n’a pas encore statué sur son sort. Le gouvernement n’a pas indiqué si un nouveau moratoire serait décidé.
Mercredi, le Haut conseil des biotechnologies, créé en 2009 pour évaluer les risques des OGM, a indiqué qu'il ne voyait en tout cas pas d’inconvénient à sa culture dans l’Hexagone. Elle "ne constituerait pas de risque particulier pour l'environnement" et "les études de toxicologie entreprises n'ont pas identifié de risque majeur lié à [s]a consommation", écrit cette instance nationale lancée à l'issue du Grenelle de l'environnement. La pomme de terre Amflora n’est pas destinée à la consommation humaine, elle est cultivée pour son amidon, utilisé par l’industrie du papier.
Bien qu'elle se réjouisse de
La pomme de terre OGM Amflora est cultivée à des fins industrielles depuis le printemps 2010 dans trois pays européens (Allemagne, République tchèque et Suède). Elle a été génétiquement modifiée pour produire un amidon enrichi en amylopectine, dont les propriétés intéressent l'industrie dupapier.
Elle n’est donc pas destinée à l’alimentation humaine mais pourrait se retrouver dans les assiettes dans la mesure où les co-produits de cette industrie (pulpes) pourraient être utilisés dans la nourriture animale. L’amidon des pommes de terre est aussi utilisé dans la construction - il est mixé au béton pour améliorer ses propriétés - ou dans l’industrie textile, pour améliorer la qualité des fils par exemple.
l’avis favorable du Haut conseil des biotechnologies, la société qui commercialise la semence de cette pomme de terre n'envisage pas de la cultiver en France. "Ni cette année, ni certainement les suivantes", déclare Jean-Marc Petat, directeur environnement de BASF Agro. D’abord parce que ce produit n’intéresse pas les acteurs locaux qui "considèrent les performances d’Amflora insuffisantes". Ensuite parce que "l’attitude de la France envers les OGM est très difficile, le jeu politique autour de ce sujet fait que le débat échappe au rationnel."
"On ne touche pas au nucléaire mais on sacrifie les OGM"
L'avis favorable du Haut conseil aux biotechnologies ouvrira-t-il cependant la voie à la culture d’autres OGM dans les campagnes françaises ? Cela semble peu probable dans un avenir proche. "J’avoue que nous sommes assez défaitistes", affirme Cédric Poeydomenge, directeur adjoint de l’Association générale des producteurs de maïs, qui milite pour que les agriculteurs français aient le choix entre des semences transgéniques et biologiques. "On voit mal la situation évoluer, ajoute-t-il. Le gouvernement a conclu une sorte de 'deal' : on ne touche pas au nucléaire mais on sacrifie les OGM."
En règle générale, c’est l’UE, et non ses États membres, qui décide si une plante transgénique est cultivée ou non. Elle autorise tel ou tel OGM et sa décision s’applique dans les 27 pays de l'Union. Les États peuvent toutefois recourir à une clause de sauvegarde, pour interdire provisoirement telle ou telle culture si des éléments nouveaux font craindre des risques pour la santé ou l’environnement.
C’est ainsi que la France a pu suspendre la culture du maïs Mon810. Une clause de sauvegarde qui devrait être maintenue, explique l’avocate et députée européenne Corinne Lepage. Pour obliger un pays à lever une telle clause, il faut en effet une décision du Conseil des ministres de l’UE, c’est-à-dire des États. Or, face à une opinion publique de plus en plus anti-OGM, ceux-ci ont refusé, à une très large majorité, en 2009, de forcer la Hongrie et l’Autriche à lever leur propre moratoire.
"Le problème, c’est qu’on en bouffe !"
Accusée de vouloir imposer les OGM, la Commission européenne ne veut plus jouer les boucs-émissaires et tente de changer les règles du jeu. Elle a proposé de mettre les États devant leurs responsabilités en leur donnant le droit de décider s’ils veulent cultiver des OGM chez eux. Cette proposition semble toutefois avoir peu de chances d’être adoptée par le Conseil des ministres, plusieurs gouvernements européens, France comprise, l’ayant déjà critiquée.
"Le problème, ce n’est pas les cultures, c’est qu’on en bouffe !" s’insurge Corinne Lepage. Si le retour des cultures de plantes transgéniques en France ne semble pas imminent, elle déplore le fait que le soja et le maïs génétiquement modifiés, qui n’ont pas le droit d’être cultivés ici, soient paradoxalement importés d’autres pays pour nourrir les animaux, et se retrouvent donc dans nos assiettes. La Commission européenne a d’ailleurs autorisé mercredi l’importation dans l’UE de six nouvelles sortes de maïs destinés principalement à l’alimentation du bétail.