Cédant à la pression de partis politiques rappelant que plusieurs militaires rwandais sont poursuivis en Espagne pour "génocide", José Luis Zapatero a renoncé à assister à une réunion de l'ONU, organisée à Madrid, à laquelle Paul Kagame participait.
AFP - La présence du président rwandais Paul Kagame en Espagne, où des militaires de son régime sont poursuivis pour "génocide", a provoqué un tel tollé que José Luis Rodriguez Zapatero a renoncé in extremis à s'afficher vendredi avec lui à une réunion de l'ONU sur la pauvreté.
Le chef du gouvernement espagnol a été "sensible" à la demande de partis politiques l'exhortant à "ne pas rencontrer" le président rwandais, a sobrement expliqué sa vice-présidente, Maria Teresa Fernandez de la Vega.
Sous pression, M. Zapatero avait finalement décidé jeudi soir de ne pas aller à la réunion du groupe de contact créé en juin par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, sur les Objectifs du millénaire et du développement (OMD), qui ont pour ambition de réduire l'extrême pauvreté dans le monde d'ici à 2015.
Il s'y est fait représenter vendredi par son ministre des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos. La réunion, initialement prévue au siège du gouvernement, a eu lieu à l'hôtel Ritz.
"Ce n'est pas un grave problème pour nous", a minimisé la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, qui a évoqué devant la presse une décision de "politique intérieure espagnole".
"Nous aimerions que les Espagnols connaissent mieux le président Kagame. Il n'est pas tel que nous le voyons décrit ici", a-t-elle ajouté.
Ban Ki-moon s'est abstenu de tout commentaire sur les accusations portées par la justice espagnole contre le régime rwandais.
Au cours d'un entretien avec M. Kagame, il a en revanche "encouragé les autorités rwandaises à mener une enquête exhaustive" sur le meurtre d'un dirigeant de l'opposition, André Kagwa Rwisereka, dont le corps a été retrouvé mercredi dans un marais, et sur celui, le 24 juin, du journaliste indépendant Jean Léonard Rugambage, a indiqué à l'AFP son porte-parole.
Dès jeudi la Coordination des ONG espagnoles pour le développement (Congde) avait dénoncé "le choix controversé de Ban Ki-moon" d'élire M. Kagame pour co-diriger avec M. Zapatero le groupe de contact sur les OMD, et "la passivité du président Zapatero qui a accepté sans objection d'agir au côté d'un génocidaire présumé".
Ban Ki-moon a justifié vendredi son choix par "l'engagement" du Rwanda, "l'un des rares pays d'Afrique à avoir réalisé d'importants progrès dans la réduction de la mortalité maternelle et infantile".
La levée de boucliers en Espagne trouve son origine dans les mandats d'arrêt pour "génocide" lancés par un juge espagnol en février 2008 contre 40 militaires du régime de M. Kagame, accusés d'avoir fomenté des affrontements ethniques dans les années 90 pour s'emparer du pouvoir.
Ces militaires sont accusés d'avoir sciemment déstabilisé le régime extrémiste hutu de Juvénal Habyarimana en place à l'époque, en commettant des actes terroristes avant de prendre le pouvoir.
Le juge Fernando Andreu avait lancé des accusations détaillées contre M. Kagame, sans le poursuivre en raison de son immunité de chef d'Etat.
L'assassinat de M. Habyarimana en avril 1994 avait déclenché le génocide qui a fait environ 800.000 morts, selon l'ONU, surtout parmi la minorité tutsie.
Le juge espagnol enquête notamment sur les assassinats présumés par les milices tutsies du Front patriotique rwandais (FPR), dirigées alors par M. Kagame, de neuf missionnaires et coopérants espagnols témoins de massacres.
M. Kagame avait à l'époque dénoncé "l'arrogance" des mandats d'arrêt espagnols. "La guerre que nous avons déclenchée, c'était pour libérer notre pays", avait-il déclaré.
La réunion de Madrid devait élaborer des propositions d'application des Objectifs du millénaire, en vue d'un sommet sur ce thème en septembre au siège des Nations unies à New York.