Seul candidat de la présidentielle après le désistement de tous ses rivaux, le numéro un burundais a été reconduit à la tête d'un pays encore meurtri par 13 années de guerre civile. Parcours d'un chef d'État hors normes.
En grand amateur de football, Pierre Nkurunziza refuserait certainement de jouer sans adversaire. Mais sur le terrain politique, le président burundais sortant accepte volontiers de concourir seul. Appelés, ce lundi 28 juin, à désigner leur chef de l’État, les 3,2 millions d'électeurs burundais n’ont trouvé que des bulletins au nom de l’actuel dirigeant du pays. Quelques jours avant le coup d’envoi du scrutin, les six candidats d'opposition ont déclaré forfait pour protester contre les résultats des élections communales du 24 mai largement remportées par le CNDD-FDD (Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie), le parti au pouvoir.
Assuré d’être reconduit à la tête du pays, Pierre Nkurunziza, 45 ans, aura la lourde charge de garantir une stabilité qui, quatre ans après la fin de la guerre civile (1993-2006) durant laquelle 300 000 personnes ont trouvé la mort, reste fragile. Car depuis les communales contestées, le pays a enregistré un regain de violences qui ne laisse d’inquiéter la communauté internationale, l’Union africaine (UA) en tête.
En moins d’une semaine, 30 attaques à la grenade ont été recensées dans tout le pays. Dernier incident en date : l’explosion, ce week-end, de plusieurs grenades à Bujumbura, la capitale, et à Muyinga, dans l’est. Des actes de violences qui, aux yeux du pouvoir, visent surtout à perturber le bon déroulement de la présidentielle. Dimanche 27 juin, six membres de l’opposition soupçonnés de vouloir "saboter" le processus électoral ont été arrêtés par la police. Bien que menée en solitaire, la campagne a ravivé tous les antagonismes qui ont marqué le premier mandat de Pierre Nkurunziza.
Amoureux de sport
Élu président par le Parlement le 25 août 1995, le numéro un burundais reste pour beaucoup un responsable politique hors norme, un dirigeant "folklorique" que les responsabilités n’ont jamais pu éloigner des églises et des terrains de football. Avant d’être un homme de pouvoir, Pierre Nkurunziza est un amoureux de Dieu et du sport.
Né le 18 décembre 1964 à Buye, dans la province de Ngozi (Nord), Nkurunziza a grandi dans une famille aisée, où le père était député et la mère aide-soignante. En 1986, en sortant du lycée, le jeune homme ambitionne de devenir officier ou économiste, mais se heurte aux restrictions en vigueur à l'encontre de la majorité hutu, à laquelle il appartient. Il se lance alors dans des études de sport, et devient professeur d'éducation physique en 1991, deux ans avant le début de la guerre civile.
Le président burundais n’aime rien moins que de s’adonner, aujourd’hui encore, à ces activités physiques favorites. Quitte à "sécher" un conseil des ministres. Aussi n’est-il pas rare de voir régulièrement sa silhouette d’athlète dévaler à vélo les collines du pays ou taper la balle sous les couleurs du Haleluya FC, son club de prédilection…
"A l’exemple de Jésus"
Entrée dans les rangs de la rébellion en 1995, au plus fort de la guerre civile, il est grièvement blessé à la jambe par un éclat d’obus et entame quatre mois de convalescence dans le maquis. Nkurunziza croit devoir son salut à Dieu qui, dit-il, lui "a sauvé la vie". De cette époque date "sa véritable conversion" au protestantisme. Aujourd’hui à la présidence du pays, ce père de cinq enfants organise quatre à cinq grandes "croisades religieuses" à travers tout le Burundi. Des cérémonials durant lesquels il chante et danse avec sa chorale, prêche et… lave les pieds des plus pauvres, "à l'exemple de Jésus".
Celui qui se dit "proche du peuple" est d’ailleurs régulièrement critiqué pour les aides financières qu’il accorde aux plus démunis. Des largesses qui, selon l’opposition, confine au populisme. L’homme peut toutefois se targuer d’avoir instauré la gratuité de l’école primaire et des frais d’accouchement. Insuffisant pour ses détracteurs : en 2009, l’indice de développement humain du pays plaçait le Burundi à la 168e place sur 177 du classement établi par Programme des Nations unies pour le développement (Pnud).