Ils étaient 1000 grévistes à Pékin, 2000 à Shanghai, 10 000 à Shenzen. Depuis le mois de mai, les mouvements sociaux se multiplient en Chine. Les revendications des travailleurs portent essentiellement sur les hausses de salaire et les conditions de travail. La société civile semble s'organiser de mieux en mieux pour défendre ses droits.
Plus que jamais, l’Empire du Milieu est secoué par un incendie social. Les ouvriers, et en tête, les travailleurs migrants réclament de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. C'est ce qu'ils obtiennent au fil de grèves rapportées de façon inédite dans les médias. Face aux revendications et au ras-le-bol des travailleurs, la société civile se mobilise toujours plus pour les aider. De son côté, le gouvernement accepte de facto des mouvements de grèves - que la loi chinoise ne protège toujours pas.
C’était il y a quinze jours, à l’usine Honda dans le sud de la Chine. Des centaines d’ouvriers en grève sous les yeux des caméras chinoises. L’un d’eux déclare : "nous ne gagnons que 90 euros par mois et nous n'avons aucune assurance sociale. Nous réclamons un salaire de 130 euros, et de 150 euros avec l’assurance."
Les ouvriers ont obtenu gain de cause, et d’autres grèves massives ont suivi, mais de plus en plus discrètes. Dernier exemple à Tianjin, près de Pékin, à l’usine d’assemblage de Toyota. Les 1700 salariés avaient refusé de travailler vendredi dernier. Ce samedi, la police a verrouillé tout le périmètre. Et le travail a repris dimanche.
Mais tous les ouvriers chinois n’ont pas la possibilité de faire grève. Depuis quelques années, faute de syndicats libres autorisés, des ONG les aident à défendre leurs droits. A l’image de Little Bird, une association créée en 1999. Ce lundi matin, quatre travailleurs migrants viennent pour trouver le moyen d’obtenir leur salaire impayé. "On a demandé à notre patron, confie Liu Gaohu, 23 ans, et il nous a dit qu’il ne nous donnerait pas un sou, qu’on pouvait continuer de demander mais que ça ne changerait rien…" Son collègue, Zhang Linfeng, un peu plus âgé, poursuit : "Comme on dit en Chine, tu travailles ou tu ne travailles pas… Si tu ne travailles pas, il n’y a plus de base pour négocier, ce n’est pas possible de faire grève, il faut juste partir…"
Little Bird est justement spécialiste du genre. Liu Ming appelle le patron pour le convaincre de payer. S’il refuse, Liu dispose d’un réseau de 300 avocats volontaires. Tout en ayant conscience des limites de son action. "Dans la loi chinoise, si le patron ne paie pas le salaire, le tribunal l’oblige seulement à payer ou éventuellement à donner 20% de compensation. Mais si la loi forçait l’employeur à payer le triple voir le quadruple du salaire, cela ferait réfléchir pas mal de patrons…"
Face à la colère sociale, le gouvernement est prêt à certaines concessions, comme le relèvement des minima salariaux. Mais hors de question d'autoriser des syndicats indépendants, ni de protéger le droit de grève. Car le Parti communiste considère toujours les syndicats comme une menace contre son pouvoir. A la manière de Solidarnösc en Pologne dans les années 1980.
Les invités du focus :
- Dorian MALOVIC, chef du service Asie de ''La Croix'', auteur de ''La Chine sur le Divan''
- Joris ZYLBERMAN, correspondant de France 24 en Chine, en direct de Pékin (Chine)
Émission préparée par Kate Williams, Marie Billon et Patrick Lovett