Un rapport publié par la London School of Economics accable l' Isi - l'agence de renseignement pakistanaise -, l'accusant de financer et d'entraîner les Taliban en Afghanistan. Le rapport incrimine aussi le président pakistanais Asif Ali Zardari.
REUTERS - Les services du renseignement militaire pakistanais financent et entraînent des rebelles taliban en Afghanistan mais sont également représentés de manière officielle au sein des instances dirigeantes du mouvement, révèle un rapport.
Le rapport, publié dimanche par la London School of Economics, suggère fortement que le soutien aux taliban constitue "la politique officielle" de l'Isi, l'agence pakistanaise de renseignement inter-services.
Deux hauts responsables occidentaux des services de sécurité ont corroboré les soupçons largement répandus de liens existant entre l'Isi et les insurgés islamistes. Cette confirmation vient étayer les inquiétudes sur la détermination du Pakistan à collaborer à la fin de la guerre en Afghanistan.
Le rapport précise également que le président pakistanais, Asif Ali Zardari, ancien membre de l'Isi, a rendu visite cette année à une cinquantaine de prisonniers taliban détenus en secret dans son pays.
Zardari leur aurait promis une libération ainsi qu'une aide logistique tout en leur expliquant qu'il avait été contraint de procéder à leur arrestation sous la pression des Etats-Unis.
Cette démarche tend à accréditer la thèse que l'appui fourni aux rebelles islamistes est "cautionné au plus haut niveau du gouvernement civil pakistanais".
"Le Pakistan semble jouer un double jeu d'une ampleur stupéfiante", affirme le rapport qui se fonde sur des entretiens avec des chefs militaires taliban, avec d'anciens ministres taliban et avec des responsables occidentaux et afghans.
"Duplicité"
En mars 2009, l'amiral Mike Mullen, chef de l'état-major interarmes américain, et le général David Petraeus, chef du Commandement central américain, affirmaient disposer d'indications selon lesquelles certains éléments de l'Isi soutenaient les taliban et Al Qaïda.
Les deux militaires préconisaient que l'agence pakistanaise de renseignement mette fin à ce type d'activités.
Les dirigeants occidentaux se montrent toutefois réticents à parler ouvertement de ce problème craignant de remettre en cause la coopération du Pakistan, Etat nucléaire soutenu militairement et économiquement par des milliards de dollars d'aide américaine.
"L'apparente duplicité du gouvernement pakistanais et le fait que cette attitude est connue au sein de la classe politique américaine pourraient avoir des implications géopolitiques gigantesques", estime Matt Waldman, auteur du rapport et professeur à Harvard.
"Sans un changement d'attitude du Pakistan, il sera difficile sinon impossible pour les forces internationales et pour le gouvernement afghan d'enregistrer des progrès dans la lutte contre l'insurrection", écrit Waldman.
La publication de ce rapport intervient après l'une des semaines les plus sanglantes pour les troupes étrangères en Afghanistan. Une vingtaine de soldats ont été tués et l'insurrection connaît un pic de violences.
Depuis le début de l'intervention qui a conduit à la chute du régime des taliban en 2001, plus de 1.800 militaires, dont 1.100 Américains, ont trouvé la mort en Afghanistan.
Cette guerre a déjà coûté 300 milliards de dollars aux Etats-Unis et son coût annuel est désormais estimé à 70 milliards de dollars, poursuit le rapport citant des chiffres du Congrès datant de 2009.
Régions violentes
Les entretiens réalisés avec des chefs militaires taliban dans certaines des régions les plus violentes d'Afghanistan "laissent supposer que le Pakistan continue d'apporter un large soutien à l'insurrection en lui fournissant des fonds, des munitions et du matériel".
"Ces comptes rendus ont été corroborés par d'anciens ministres talibans, par un expert occidental et par un haut responsable de l'Onu à Kaboul. Ils ont confirmé que les taliban dépendent largement de l'aide financière de l'Isi et d'organisations dans les pays du Golfe", explique le rapport.
La plupart des chefs militaires taliban interrogés pensent que l'Isi est représenté au sein de la Quetta Choura, le conseil suprême des taliban installé au Pakistan.
"Les entretiens laissent fortement penser que l'Isi possède des représentants à la Choura, soit en tant que participants soit en tant qu'observateurs, et que l'agence est de ce fait impliquée au plus haut niveau dans le mouvement", conclut le rapport.
L'ancien directeur des services de renseignement afghans, Amroullah Saleh, qui a démissionné la semaine dernière, a explique que l'Isi "faisait partie de l'entreprise de destruction" de son pays.
"Apporter les preuves de l'implication de l'Isi est une perte de temps. Ils sont impliqués. L'armée pakistanaise, dont l'Isi fait partie, sait où se trouvent les chefs taliban -- ils sont en lieux sûrs", a dit Saleh.