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La justice égyptienne a tranché : les autorités religieuses chrétiennes doivent autoriser leurs fidèles divorcés à se remarier. Mais le patriarche des coptes, Chenouda III, n’entend pas respecter cette décision, contraire selon lui à la Bible.

Les coptes - chrétiens d’Egypte - ont-ils le droit de se remarier une fois divorcés ? La question est au cœur d’une querelle judiciaro-religieuse dans le pays. La justice a répondu oui mais les autorités religieuses n’entendent pas accepter cette décision.

Tout commence en mars 2008 avec la plainte d’un chrétien égyptien, Hani Wasfi. Celui-ci souhaite se remarier après un divorce. Mais son Église, l’Église copte orthodoxe, interdit de tels remariages, à l’exception de cas très précis (pour le conjoint victime d’un adultère par exemple). Or, en Egypte, un mariage civil n’est valide que s’il est accompagné d’un mariage religieux.

Il décide donc de porter plainte contre Chenouda III, le patriarche de l’Église copte orthodoxe. En première instance comme en appel, la justice lui donne raison. "Conformément à la loi, un chrétien peut se remarier et la Constitution lui garantit le droit de fonder une famille", déclare la Haute cour administrative dans son jugement.

"Une bataille d’identité"

Si ce jugement ne peut plus faire l’objet d’appel, Chenouda III a annoncé mardi qu’il n’accepterait pas de remarier ses fidèles divorcés. "L’Église respecte la loi mais elle ne peut accepter que des décisions conformes à la Bible", a-t-il déclaré. "La seule solution pour l’Église copte est de se tourner vers la Cour constitutionnelle pour vérifier la constitutionalité de la décision de la cour administrative", explique Tamer Ezzeddine, notre correspondant au Caire.

Pour Jean Alcader, président de Kyrollos, une association de soutien aux coptes d’Egypte, "il ne s’agit pas seulement pour les coptes orthodoxes de se battre contre le remariage - ils ne sont d’ailleurs pas totalement opposés au principe et l’acceptent dans certains cas". Il s’agit davantage pour lui d’une "bataille d’identité". "Ils comptent ainsi marquer leur indépendance. Ce qu’ils ne veulent pas, c’est que les autorités civiles s’ingèrent dans leurs libertés, sinon ils savent que l’Etat peut prendre toute la place."

Les chrétiens, 10% de la population

Dans une Egypte majoritairement musulmane, cette décision met en danger les relations entre l’Eglise et l’Etat, a prévenu Chenouda III. "On se dirige vers un bras de fer", analyse Christian Cannuyer, professeur à l’université catholique de Lille et auteur de "L'Egypte copte : Les chrétiens du Nil" (Gallimard, 2000). "On ne pourra pas obliger l’Eglise à célébrer des remariages", poursuit-il, ajoutant que le problème repose sur l’absence de "distinction entre mariage religieux et mariage civil".

"C’est un nouvel épisode dans l’attitude ambigüe que l’Etat égyptien entretient avec les chrétiens", ajoute-t-il. Les coptes, environ 10% de la population égyptienne, "sont discriminés, ce sont des citoyens de seconde zone souvent victimes de violences et l’Etat ne réagit pas avec la fermeté qu’il faudrait", précise-t-il. "Le régime se sert des conflits religieux comme prétexte pour maintenir l’Etat d’urgence depuis environ 30 ans, c’est un argument pour ne pas faire l’effort d’une ouverture démocratique."