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Attentat de Karachi : Sarkozy cité dans un rapport de la police luxembourgeoise

Un rapport de la police luxembourgeoise évoque des rétrocommissions occultes versées en 1994 à la France via une société offshore créée avec l'aval de Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget du gouvernement d'Édouard Balladur.

REUTERS - Nicolas Sarkozy est mentionné dans un rapport de police luxembourgeois concernant le paiement de commissions occultes de dizaines de millions d'euros en marge d'une vente de sous-marins français au Pakistan en 1994.

Ce document daté du 19 janvier 2010 est aux mains de deux juges d'instruction français qui enquêtent sur la Direction des constructions navales (DCN), l'entreprise ayant construit les sous-marins, a dit mercredi une source judiciaire, confirmant une information du site Mediapart.

Les paiements ayant été interrompus après 1995, un lien est soupçonné entre les opérations de corruption en marge du contrat et l'attentat de Karachi, qui a fait 14 morts, dont 11 ingénieurs et techniciens français de la DCN travaillant sur le contrat des sous-marins, en 2002 au Pakistan.

Analysant des documents saisis lors de leur enquête au Grand-Duché, le policiers luxembourgeois évoquent l'implication de Nicolas Sarkozy, ministre du Budget en 1994, dans la création d'une société au Luxembourg, Heine, qui a reçu des dizaines de millions d'euros en marge du marché.

"Un document fait état de l'historique et du fonctionnement des sociétés Heine et Eurolux. Selon ce document, les accords sur la création des sociétés semblaient venir directement de M. le Premier ministre Balladur et de M. le ministre des Finances (en fait ministre du Budget-NDLR) Nicolas Sarkozy", écrivent les policiers dans leur rapport publié en partie par Mediapart.

Un total de quelque 84 millions d'euros de commissions destinées à des officiels pakistanais, soit 10% du contrat, avait été convenu en marge de la livraison de sous-marins Agosta par la DCN au Pakistan, a déjà établi une mission d'information parlementaire française.

Pas de "preuve de corruption"

Sur ces 84 millions, 33 ont été demandés au dernier moment par un intermédiaire libanais, Ziad Takieddine, envoyé par le ministre de la Défense de l'époque, François Léotard.

Ce dernier a ensuite fait transiter l'argent par Heine, a conclu la mission d'information parlementaire. Dans leur rapport, les policiers luxembourgeois estiment qu'il est possible que cet argent ait servi in fine à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, candidat que soutenait Nicolas Sarkozy face à Jacques Chirac en 1995.

"Des références font croire à une forme de rétrocomissions pour payer des campagnes politiques en France. Nous soulignons qu'Edouard Balladur était candidat à l'élection présidentielle en 1995 face à Jacques Chirac et était soutenu par une partie du RPR dont Nicolas Sarkozy et (ministre de l'Intérieur à l'époque - NDLR) Charles Pasqua", écrivent les policiers du Luxembourg.

Ces derniers ajoutent cependant : "Il n'existe aucune preuve concrète de corruption".

Me Olivier Morice, avocat des familles de victimes, estime pourtant que le rapport démontre que Nicolas Sarkozy a menti lorsqu'il avait qualifié de "fable" le scénario d'une opération de corruption qui serait le mobile de l'attentat de Karachi.

"Nous ne sommes plus en présence d'une fable mais d'un mensonge d'Etat. Les familles de victimes souhaitent que Nicolas Sarkozy puisse en tirer les conséquences et démissionner", a-t-il dit à Reuters.

Le député socialiste Bernard Cazeneuve, rapporteur de la mission parlementaire française, a déclaré mercredi qu'il n'était pas "surpris" par les résultats des investigations luxembourgeoises et a estimé que cela prouvait que des documents avaient été cachés aux députés lors de leurs travaux.

"Je ne demande pas la démission de Nicolas Sarkozy, je demande la vérité et je demande la transparence. Ce que constate c'est que le travail parlementaire pour la première fois a été scandaleusement entravé", a-t-il dit à l'Assemblée nationale.

Le secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand a réfuté mercredi les conclusions du rapport luxembourgeois.

"J'en ai assez de toutes ces allégations sur ce dossier. C'est pas les allégations répétées qui font une vérité", a-t-il dit lors de l'émission Questions d'info sur LCP et France Info.

Après des révélations de presse, Edouard Balladur avait reconnu devant la mission d'information parlementaire sur Karachi que 13 millions de francs en espèces avaient été versés en 1995 sur ses comptes de campagne, mais a assuré qu'ils provenaient de collectes dans ses meetings.