
Les salariés sans-papiers ont obtenu un rendez-vous, vendredi matin, au ministère de l’Immigration. Ils demandent un assouplissement des critères de régularisation mais, pour l'instant, le ministère ne veut pas en entendre parler.
Vendredi matin, la rue de Grenelle était en ébullition. Le ministère recevait "enfin" la délégation de représentants syndicaux – la CGT, Solidaire, la FSU, l’UNSA réunis en collectif – pour discuter de la situation des travailleurs clandestins. "Des personnes qui ont un emploi, qui paient des impôts et des cotisations sociales ont droit à des papiers", scandent dans leurs communiqués les membres de la délégation.
Pourtant, les résultats concrets de cette première réunion sont inexistants. La principale requête du collectif à savoir la "révision" de la circulaire du 24 novembre est tombée dans l’oreille d’un sourd. Ce texte qui énonce les critères de régularisation en vigueur - cinq années de présence en France, une année d’ancienneté dans l’entreprise, une promesse d’embauche d’une durée supérieure à un an… - ne subira aucune modification. Le ministre Eric Besson a répété, le 1er avril dernier, qu’il n’avait pas l’intention d’y toucher. C’est pourtant bien lui qui cristallise le point de fracture entre gouvernement et syndicats.
Rassemblement devant le ministère
Une heure avant le début de la rencontre, les salariés sans-papiers étaient environ 1500 aux abords du ministère pour "faire pression" sur le gouvernement. "Il finira bien par nous écouter, parce que nous ne sommes pas malhonnêtes", confiait Boka, "travailleur de la misère", comme il se surnomme, en France depuis 3 ans.
Selon le ministère de l'Immigration, le nombre de travailleurs sans-papiers tournerait autour de 6 000. La CGT en recense plus de 200 000.
Le ministère a accordé environ 2 500 régularisations en 2009.
Selon les syndicats qui les défendent, ils seraient quelque 6 200 sans-papiers en grève depuis la mi-octobre. Ils ont multiplié les occupations sauvages de chantier et d'entreprises de nettoyage.
La présence de Jean-Denis Combrexelle, directeur général du Travail à la table des discussions a "ravi" la délégation. Le collectif souhaitait le rencontrer depuis le début de la mobilisation, en octobre dernier.
Au sortir de la réunion, la CGT restait sur ses gardes. Raymond Chauveau, son porte-parole, s’en tient alors à une déclaration formelle : "nous sommes réalistes, le processus est enclenché, attendons de voir". Il ajoute : "je n’ai pas eu le sentiment qu’on nous recevait juste pour nous recevoir".
Un ministère inflexible
Pourtant, peu d’avancées concrètes. Mais le ministère se défend de fausses promesses. Nicolas Boudot, conseiller du ministre Eric Besson le répète. "Si la CGT veut employer le mot "négociation", c’est son problème ; pour nous, il a toujours été clair que cette réunion n’entamait aucune modification de la circulaire". Des propos qui ne l’empêchent pas de faire un compte-rendu "positif" de ces pourparlers. "Nous avons écouté ce qu’ils avaient à nous dire et nous le prenons en compte", affirme-t-il.
Evidemment, la CGT ne compte pas en rester là. Raymond Chauveau s’accroche à ses objectifs. Il ne s’est assis à la table des négociations que pour : "combler les trous d’une circulaire aux critères très flous". Il caresse même le rêve d’aboutir à l’écriture d’un texte "opposable", signé de la main du ministère, des syndicats et du patronat. Texte qui pourrait, par définition, être une alternative devant la législation en cas de litige sur la situation d’un travailleur sans-papiers. "Pas à l’ordre du jour", répète Nicolas Boudot.
Contacté par téléphone, Jean-Denis Combrexelle est resté très évasif et n’a pas souhaité revenir sur ces différends. "Je représente le droit du travail et je ne suis là que pour apporter des précisions en fonction de telle ou telle situation", a-t-il expliqué. Il n’a pas souhaité, non plus, réagir sur la politique menée à l’égard de ces salariés clandestins. "Je m’en tiens à la circulaire officielle et c’est tout".
Une rencontre inédite entre patrons et syndicats
Pour le moment donc, les espoirs de ce premier rendez-vous sont retombés comme un soufflé. Cette matinée n’était-elle que de la poudre aux yeux ? Ni la CGT, ni les travailleurs sans-papiers, ni le directeur général du travail n’emploient l’expression, mais aucun ne la dément clairement. Tous préfèrent espérer. "Le bon sens va l’emporter", note Francine Blanche, autre membre de la CGT. Un prochain rendez-vous est fixé au 20 mai. L’objet de la réunion se focalisera sur la question des travailleurs intérimaires.
La campagne de lutte des sans-papiers a connu une avancée non négligeable le 8 mars dernier. La rencontre inédite entre des organisations patronales (CGPME, l’association patronale Ethic) et onze associations avait abouti à l’écriture d’un texte commun formulant des "critères objectifs de délivrance d’autorisation de travail et de séjour pour les étrangers". En d’autres termes, les signataires ont élaboré neuf nouvelles propositions d’assouplissement de la régularisation. La délégation de vendredi espère que le nom de ces entreprises, apposé en bas dudit document, influencera le ministère. "C’est une première dans l’histoire du combat des travailleurs clandestins", note Raymond Chauveau. "Même Véolia a signé le texte, le gouvernement sera bien obligé, un jour ou l’autre, de le prendre en compte".