
Les conservateurs et les libéraux démocrates finalisent leurs négociations afin de constituer leur premier gouvernement de coalition depuis la Seconde Guerre mondiale. Une configuration inédite... déjà largement critiquée.
La coalition est historique, mais peut-elle fonctionner ? Le nouveau Premier ministre britannique, le conservateur David Cameron, et son allié "lib-dem", Nick Clegg, travaillent d’arrache-pied afin de constituer le futur gouvernement. Et pour tordre le cou au flot de critiques, il a intérêt à être "durable". Sur les négociations planent en effet le souvenir de 1974, lorsque les Tories et les libéraux avaient, déjà à l’époque, tenté de travailler ensemble sans succès.
Les médias britanniques ne sont, en tout cas, pas tendres avec la coalition en devenir. Pour la qualifier, le "Daily Mail", dans son édition de mardi, multiplie les adjectifs négatifs : de "tordu" à "'révoltant" en passant par "cynique". Pour le quotidien de gauche "The Guardian", faire durer le nouveau gouvernement est tout simplement "le plus important défi pour le chef des conservateurs".
"Manifestement, ils pensent pouvoir travailler ensemble", affirme à France24.com Florence Faucher-King, directrice de recherche au Centre d’études européennes de Sciences Po. Pour elle, le fait que les deux partenaires politiques négocient un accord sur 5 ans est un signe positif. "Cela empêchera ce que beaucoup redoutent, à savoir que, au bout d'un an, David Cameron décide de procéder à de nouvelles élections pour évincer les libéraux du gouvernement", explique-t-elle.
Le système électoral uninominal à un tour, qui garantit habituellement une majorité solide à un seul parti, n’a pas fonctionné cette fois-ci. David Cameron et le Parti conservateur sont face à une situation rarissime dans la vie politique britannique. "Il y a des points d’accord possibles entre les deux partis, notamment sur la stabilité économique, sur certaines réductions d’impôts ou encore sur l’éducation", estime Florence Faucher-King. Les "lib dems" ont par ailleurs fait céder les conservateurs sur une exigence clef de leur plate-forme : la réforme du mode de scrutin, qu'ils jugent inique et sur laquelle les Tories ont finalement accepté d'organiser un référendum.
Grand écart
Mais ce sont les nuages à l’horizon qui sont le plus souvent mis en avant. Au premier plan des désaccords potentiels : l’Europe. Les libéraux-démocrates ont une longue tradition europhile, à l’exact opposé des Tories. Le problème risque de grandir d’autant plus vite que "la nouvelle génération de députés conservateurs issue des élections est particulièrement eurosceptique", remarque Florence Faucher-King. David Cameron pourrait donc être contraint à un grand écart entre son vice-Premier ministre Nick Clegg et sa base. La nomination, mardi, de William Hague, grand adversaire de l’Union européenne, au poste de ministre des Affaires étrangères, est à ce titre un premier camouflet pour les "lib dems".
"Sur des questions comme les libertés individuelles, les libéraux démocrates sont plus proches des travaillistes. Il faut se souvenir que, pendant la campagne, il y a eu plusieurs appels à une coalition progressiste entre le Labour et les lib-dems", rappelle Florence Faucher-King. Les résultats des élections ont rendu cette option mathématiquement difficile et les travaillistes ont "préféré une période d’opposition à une coalition délicate".
Pour elle, il est cependant trop tôt pour enterrer le nouveau gouvernement. Un bon indicateur devrait être le discours de la reine, le 25 mai. Elle devrait, en effet, dévoiler les grands axes de la politique du nouveau gouvernement. Chacun verra alors qui a fait quelles concessions…