Nicolas Sarkozy doit entamer, mercredi, sa quatrième visite en Chine depuis son accession à la présidence. Accompagné de son épouse, le chef de l'État français entend profiter de son séjour pour consacrer le rapprochement entre les deux pays.
REUTERS - Nicolas Sarkozy entame mercredi une visite d'Etat en Chine destinée à sceller la réconciliation entre Paris et Pékin, que le nucléaire iranien, les questions monétaires et l'environnement ne devraient pas mettre en danger.
Cinq mois après le voyage du Premier ministre François Fillon en décembre, qui avait largement engagé ce rabibochage, celui du président français consacrera "le retour à une relation de partenariat stratégique global sans nuage", espère l'Elysée.
Ce sera sa quatrième visite en Chine depuis qu'il a été élu et sa deuxième visite d'Etat, après celle de novembre 2007 - fait unique pour un président français dans un même mandat.
En 2008, ses positions sur le Tibet, sa rencontre avec le Dalaï Lama, le passage mouvementé de la flamme olympique en France et la menace de boycotter l'ouverture des Jeux de Pékin avaient provoqué de vives tensions entre les deux pays.
L'Elysée veut voir dans la transformation en visite d'Etat de ce qui devait n'être qu'une participation de Nicolas Sarkozy à l'inauguration de l'Exposition universelle de Shanghaï le signe que cette page est définitivement tournée.
Jean-Vincent Brisset, chercheur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) voit cependant aussi dans le ton plus aimable des dirigeants chinois avec les Occidentaux ces derniers mois un effet "Expo 2010" - laquelle se veut une nouvelle vitrine de la puissance chinoise après les JO de 2008.
"Ils ne peuvent pas se permettre un boycott de Shanghaï. Ils seront donc très polis jusqu'en octobre", prédit-il.
Pour Valérie Niquet, de l'Institut français des relations internationales (Ifri), l'embellie franco-chinoise demeure en tout état de cause fragile et à la merci du moindre faux-pas.
"La période de brouille est officiellement terminée mais la France demeure en observation", déclare-t-elle à Reuters.
IRAN ET YUAN
La Chine, qui reste hostile à des sanctions renforcées, pourrait ainsi juger "inamicale" toute pression énergique à propos du dossier nucléaire iranien, estime cette sinologue.
Selon l'Elysée, les tractations sur une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU seront un des sujets évoqués par Nicolas Sarkozy avec le président Hu Jintao, le Premier ministre Wen Jiabao et le président de l'Assemblée nationale populaire.
La France est un des pays qui poussent le plus à de fortes sanctions contre Téhéran, y compris un éventuel embargo pétrolier. Or, la Chine achète à l'Iran une partie du brut dont elle a besoin pour sa croissance économique à deux chiffres.
"Il n'est pas question que les pays importateurs soient victimes d'une résolution de sanctions", fait-on valoir à l'Elysée. "Si le pétrole était sur la liste, ce qui n'est pas du
tout sûr, les Chinois savent que des pays pétroliers seraient prêts à compenser tout ce qui ne viendrait pas d'Iran."
Soucieux de s'assurer la coopération de la Chine quand il présidera le G20 à partir de fin 2010, le président français, qui accusait jusqu'ici Pékin de maintenir sa monnaie à un niveau artificiellement bas, pourrait, là aussi, adoucir son discours.
Pas question d'aborder le sujet sous "l'angle étroit" d'une demande de réévaluation du yuan, déclare ainsi l'Elysée.
"C'est une réflexion plus large que nous souhaitons voir s'engager dans un esprit coopératif, constructif, positif, pendant la présidence française du G20", explique un conseiller. "Ce que nous voudrions c'est ouvrir le chantier de la relation entre les grandes monnaies et du rôle d'institutions comme le Fonds monétaire international".
CONTRATS A L'AUTOMNE
Paris et Pékin veulent aussi oublier les échanges aigres des négociations de Copenhague sur le climat, dont Nicolas Sarkozy a imputé le fiasco, en décembre, à l'intransigeance chinoise.
Pour François Godement, historien spécialiste de la Chine, "l'expérience de Copenhague a fait mal" aux dirigeants chinois, qui se sont trouvés enfermés dans le rôle du "méchant".
Du côté français, perspective du G20 oblige, l'Elysée n'a de cesse de dire qu'aucune solution ne sera trouvée en matière de climat ou de gouvernance mondiale sans la Chine.
La coopération franco-chinoise sur des projets concrets en matière de développement durable sera un thème important de la visite, pendant laquelle trois accords techniques devraient être signés, dont un pour la reforestation de la province du Yunan,
dans le sud de la Chine, souligne Paris.
Pour le reste, même s'il sera aussi question de coopération économique, il n'y aura pas de signatures ou d'annonces de contrats commerciaux, qui sont réservées à la visite d'Etat du président Hu Jintao à Paris l'automne prochain, dit l'Elysée.
La visite du couple présidentiel français comporte un volet touristique important, dont une escale mercredi, avant Pékin, dans l'ancienne capitale impériale Xian, où Nicolas Sarkozy a vu avec sa mère l'armée de terre cuite de l'empereur Qin en 2007.
Nicolas et Carla Sarkozy doivent aussi visiter des tombeaux de la dynastie Ming et la muraille de Chine, près de Pékin, ainsi que la Cité interdite, avant d'aller inaugurer vendredi à Shanghaï le pavillon français de l'Expo 2010.