Skander Vogt avait mis le feu à son lit et les gardiens on mis une heure et demie à intervenir. Des enregistrements sonores révélant leur mépris à l'égard du détenu ont été rendus publics. La justice a décidé d'ouvrir une enquête pénale.
AFP - La justice suisse a ouvert une enquête pénale pour déterminer les responsables du décès d'un détenu ayant mis le feu à sa cellule, mais qui selon les médias aurait tardé à être secouru par les gardiens de prison, a-t-on appris lundi de source judiciaire.
"Une enquête a été ouverte pour faire toute la lumière sur les circonstances qui ont amené au décès de (Skander) Vogt", a indiqué à l'AFP le substitut du juge d'intruction du canton de Vaud, Daniel Stoll.
L'enquête doit permettre de "savoir minute par minute comment les faits se sont passés dans la prison", a précisé M. Stoll, alors que la polémique enfle sur les circonstances du décès de Skander Vogt, 30 ans.
Le journal suisse Le Matin avait publié un compte-rendu des conversations téléphoniques entre les responsables du pénitencier de Bochuz (ouest), où il était incarcéré, et les services de secours.
Skander Vogt est décédé le 11 mars dans sa cellule du quartier de haute sécurité, après avoir mis le feu à un matelas. D'après le journal, les gardiens auraient pris 90 minutes avant de lui porter secours, attendant une ambulance et des unités spéciales chargées de l'évacuation d'un détenu jugé dangereux par l'administration pénitentiaire.
Le compte-rendu des appels entre la prison et les divers intervenants, dont le contenu a été confirmé par l'avocat de M. Vogt, est accablant pour les fonctionnaires. "Cela fait 50 minutes qu'il est dans la fumée", a dit un gardien de la prison qui téléphonait avec la centrale des forces de l'ordre au petit matin du 11 mars, selon le journal.
Un peu plus tard, dans une conversation avec les services médicaux, un gardien poursuit: "maintenant il nous répond très, très peu... il faudrait le sortir au plus vite". "De toute façon cela fait 50 minutes qu'il respire la fumée. Il peut crever", relève un peu plus tard un autre agent, auquel son collègue renchérit: "ouais, ben cela lui fait du bien".
Demandant une intervention des forces spéciales, les interlocuteurs parlent du détenu en le qualifiant de "connard" auquel il faut mettre "une démerdée". Les discussions se poursuivent et à 03H00 du matin, le détenu est mort, selon Le Matin.
Pour le porte-parole du département de l'intérieur vaudois, les enquêtes pénale et administrative doivent permettre de "dresser un tableau exact de ce qui s'est passé cette nuit là".
"Une fois que les responsabilités auront été établies, les mesures de correction seront prises. On déterminera s'il y a eu des manquements", a-t-il ajouté.
M. Vogt était en détention depuis 2001, bien au-delà des 20 mois de prison auxquels il avait été condamné initialement pour une série de délits. Selon le droit suisse, un détenu peut rester incarcéré s'il est jugé dangereux pour autrui. Ce qui était son cas, selon le porte-parole.
Le détenu était "considéré comme extrêmement dangereux par les experts", a-t-il précisé.
L'avocat de la famille de M. Vogt, qui a porté plainte pour "homicide par négligence", a contesté ce point, indiquant qu'"on a essayé de faire croire qu'on avait affaire au détenu le plus dangereux du canton".
Pour Me Nicolas Mattenberger, les gardiens "n'ont pas eu peur de mon client, mais des directives" pénitentiaires, qui les obligent à être au moins cinq pour évacuer un détenu jugé dangereux. Or, le soir du drame, ils n'étaient que trois et attendaient des renforts.