Des milliers d'Espagnols ont manifesté dans vingt-huit villes du pays pour soutenir le juge Baltasar Garzon, poursuivi pour avoir voulu enquêter sur les disparus de l'époque franquiste.
AFP - Des milliers de personnes ont manifesté dans vingt-huit villes d'Espagne, en particulier à Madrid, "contre l'impunité du franquisme" et pour défendre le juge Baltasar Garzon, accusé d'avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, a constaté l'AFP.
"Les Fascistes, hors des tribunaux!", "Justice universelle!", "Plus de juges comme Garzon", scandaient les milliers de Madrilènes qui ont défilé dans le centre de la capitale espagnole jusqu'à la Puerta del Sol.
Certains arboraient des photos en noir et blanc de personnes disparues tuées pendant le régime franquiste et des drapeaux républicains espagnols.
Des hommes politiques de gauche, des artistes, des parents de victimes du franquisme et des associations pour la mémoire historique ouvraient la marche.
Elle s'est achevée sur la lecture d'un manifeste proclamant que "les crimes contre l'humanité ne peuvent être amnistiés et sont imprescriptibles", par le cinéaste Pedro Almodovar, l'écrivain Almudena Grandes et le poète communiste Marcos Ana.
Un des organisateurs, Toni Garcia a souligné la nécessité d'éliminer la loi d'amnistie de 1977, disposition "injuste et absurde" qui "empêche d'enquêter sur des crimes contre l'humanité" de la Guerre civile (1936-39) et de la dictature franquiste (1939-1975).
A quelques centaines de mètres de là, plusieurs dizaines de militants de la Phalange (extrême droite), dont l'une des branches a porté plainte contre le juge Garzon, ont manifesté près du Tribunal suprême en scandant "dehors les socialistes!, qu'on juge les crimes du marxisme!".
Le juge Garzon a reçu le soutien remarqué de l'ex-chef de gouvernement socialiste Felipe Gonzalez que le magistrat avait pourtant mis gravement en cause avec son enquête dans les années 90 sur les Gal, organisation parapolicière responsable de l'assassinat d'indépendantistes basques.
M. Gonzalez a qualifié vendredi "d'injuste et inexplicable" le futur procès contre Garzon, ajoutant: "Vous savez que je n'ai pas une relation privilégiée avec M. Garzon et peut-être que cela donne plus de poids à mes mots".
Ces mobilisations interviennent alors que le juge Garzon a décidé de contre-attaquer, mettant directement en cause le juge du Tribunal suprême Luciano Varela qui veut le juger.
Garzon a demandé la récusation du juge Varela, estimant que ce dernier avait manifesté son "intérêt indirect" et sa "partialité" dans cette affaire, selon l'acte officiel de demande de récusation.
Le juge Garzon est poursuivi par le Tribunal suprême pour avoir voulu, pour la première fois en Espagne, enquêter sur les disparus de la Guerre civile et de la répression franquiste, en enfreignant, "sciemment" selon l'accusation, la loi d'amnistie générale votée en 1977, deux ans après la mort de Franco.
Il risque une peine de 20 ans d'inhabilitation professionnelle, mais il a fait appel de son renvoi pour jugement.
Le parquet du Tribunal suprême s'oppose à ce qu'il soit jugé et estime qu'en l'absence d'accusation publique, les parties civiles ne sont pas fondées à déclencher, toutes seules, un procès.
La mise en accusation du juge Garzon suscite une vive controverse en Espagne, où elle choque profondément les milieux de gauche et les associations de victimes du franquisme. La droite estime quant à elle que la justice doit suivre son cours en toute indépendance.
Le juge Garzon a reçu le soutien de nombreux juristes dans le monde, qui estiment que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles et que la loi d'amnistie espagnole n'est pas conforme au droit international.