Le site catholique contestataire Golias a publié une lettre d'un cardinal félicitant un évêque d'avoir couvert un prêtre pédophile. Son rédacteur en chef, Christian Terras, revient sur la manière dont le Saint-Siège gère la crise.
L’Eglise est au cœur d’une nouvelle polémique en France après la publication, sur le site catholique contestataire Golias, de la lettre du cardinal Castrillon Hoyos à Monseigneur Pierre Pican en 2001. Le prélat y félicite l’évêque d'avoir couvert un prêtre pédophile. Pierre Pican avait été condamné en 2001 à trois mois de prison pour ne pas avoir dénoncé l’abbé René Bissey, lui-même condamné à 18 ans de prison pour pédophilie. Entretien avec le rédacteur en chef du site Internet qui se définit comme un "empêcheur de croire en rond".
Pour lire la lettre sur le site de Golias, cliquez ici.
FRANCE 24 - Comment expliquez-vous l’existence d’une lettre dans laquelle un cardinal félicite un évêque d’avoir couvert un prêtre pédophile ?
Christian Terras - Cette lettre correspondant à la culture de cette Eglise catholique qui a pour coutume de régler en interne les affaires les plus graves sans jamais saisir la justice des hommes. Elle est surtout révélatrice de la manière dont l’Eglise considère la pédophilie : quelque chose qui peut être réglée en interne. De plus, dans cette lettre, la relation entre les différents protagonistes est sacralisée, puisque le prêtre y est présenté comme le fils de l’évêque.
Cette lettre est d’autant plus surprenante qu’à l’époque Jean-Paul II avait donné aux évêques des directives pour dénoncer les crimes de pédophilie. Le cardinal a-t-il donc désobéi au pape ?
C. T. - En 2001, au moment où ce document a été écrit, Benoît XVI, qui était alors cardinal et second de Jean Paul II, publie la lettre "De delictis gravioribus" qui évoque les crimes les plus graves. Mais il n’y est jamais fait mention de s’en remettre à la justice civile. Il s’agit d’une prise de conscience du problème de la pédophilie mais on continue à vouloir le régler en interne. En Irlande, par exemple, le nonce apostolique avait même reçu des instructions de ne pas coopérer avec les autorités.
Comment expliquer que le Vatican persévère dans cette stratégie qui ternit son image ?
C. T. - Depuis quatre mois, le Vatican mène une stratégie suicidaire. Il aurait pourtant pu s’en sortir. Il aurait dû, en premier lieu, reconnaître la responsabilité partagée de Jean-Paul II et du cardinal Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, dans les scandales de pédophilie. Cela aurait pu renforcer leur crédit.
Dans une un second temps, l’institution aurait pu inviter à une assemblée solennelle toutes les associations de victimes de pédophilie. Le pape lui-même aurait pu ainsi s’engager par un pacte ecclésial à traduire en justice les coupables de pédophilie et les destituer de leurs charges ecclésiastiques. Mais l’Eglise et le pape se considèrent comme infaillibles et ne peuvent pas se résoudre à reconnaître leurs torts.