À l’issue d’une réunion à Matignon, le Premier ministre a déclaré qu’il ne modifierait pas les "zones noires" établies après le passage de la tempête Xynthia. L'annonce suscite la colère des sinistrés et des élus locaux.
François Fillon est resté intraitable. Le gouvernement ne reverra pas sa copie, les "zones noires" ne seront pas réétudiées. Établies par les services de l’État, ces zones ont été décrétées inhabitables - car considérées comme extrêmement dangereuses - après le passage de la tempête Xynthia, qui a tué 53 personnes en Vendée et en Charente-Maritime dans la nuit du 27 au 28 février.
"Les critères qui ont été mis en œuvre par l'État pour définir [c]es zones (...) sont des critères objectifs, basés sur des observations concrètes, précises, et ils n'appellent pas de remise en cause, en tout cas pas dans la phase actuelle", a déclaré mardi le Premier ministre à l’issue d’une réunion avec neuf de ses ministres à Matignon, précisant toutefois que des actions en justice pouvaient être intentées "selon des procédures classiques".
Ces déclarations ne sont pas de nature à éteindre la fronde qui anime certains sinistrés et élus des communes touchées. "Le gouvernement se refuse à admettre que le zonage [la cartographie des "zones noires"] a été établi sans expertise rigoureuse, à partir de critères arbitraires", s’emporte Jean-Louis Léonard, député-maire UMP de Châtelaillon-Plage, une commune du littoral charentais. Il a été l’un des premiers élus à monter au créneau pour demander la révision des zones décrétées inhabitables.
"On l’a démontré, on l’a vu sur le terrain, ce zonage a été fait n’importe comment, de façon beaucoup trop rapide, poursuit l’élu. La loi dit clairement qu’il faut protéger les personnes et les biens. Ici, aucune mesure de protection n’a été envisagée ni étudiée. On déplace les gens avant de se dire que la construction de digues éviterait bien des problèmes et bien des traumatismes. C’est stupide."
Un député-maire monte au créneau
L’homme au caractère bien trempé ne compte pas baisser les bras. Il ne signera pas les arrêtés municipaux donnant le coup d’envoi des expulsions pour les maisons situées en "zone noire". "Que ce soit illégal ou pas, je m’en fiche. Je me bats toujours contre la connerie", lâche-t-il sans sourire. Mercredi, il fera le voyage jusqu’à Paris - où il a rendez-vous à l’Élysée - avec la ferme intention de rallier le président de la République à sa cause.
De leur côté, les associations de sinistrés, qui se sont constituées au lendemain du passage de la tempête dévastatrice, s’organisent peu à peu. "On va rester coûte que coûte", martèle Michel Lebozec, le (très) déterminé président de l’Association de sauvegarde du village des Boucholeurs, un hameau à cheval sur les communes charentaises d’Yves et de Châtelaillon-Plage. "Nous demandons le retrait pur et simple de la cartographie de zonage. Nous voulons des digues", poursuit-il.
Les associations n’hésiteront pas à contester les "zones noires" devant les tribunaux si l’État ne revient pas sur sa cartographie. "Mais si on peut éviter d’aller en justice, ce serait bien… Surtout quand on sait qu’il suffirait simplement de faire un travail intelligent pour éviter ça", soupire Thierry Demaegdt, à la tête de l’association Reconstruire Charron, énumérant les "erreurs inacceptables faites par les technocrates des services de l’État".
Reconstruire Charron, l’Association de sauvegarde du village des Boucholeurs, et deux autres associations travaillent main dans la main pour avoir gain de cause. Toutes les quatre se réunissent mardi soir pour préparer la journée de mercredi : elles ont rendez-vous avec Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes. "J’espère qu’elle ne fera pas une récupération politique de notre combat, lâche Thierry Demaegdt. Ce n’est pas une question politique mais humaine."