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Selon le "New York Times", Benoît XVI, qui n'était encore que cardinal, a caché avec d'autres responsables du Vatican les abus d'un prêtre américain qui aurait violenté, durant les années 1990, 200 enfants dans une école du Wisconsin.

AFP - Le pape Benoît XVI a été à son tour éclaboussé jeudi par la cascade de scandales pédophiles au sein de l'Eglise catholique, accusé par le New York Times d'avoir couvert dans le passé un prêtre américain soupçonné d'avoir violenté quelque 200 enfants sourds.

Selon le quotidien américain, qui s'appuie sur des documents fournis par les avocats de victimes, le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, n'a pris aucune sanction contre le père Lawrence C. Murphy pourtant accusé d'abus sexuels répétés sur des enfants sourds de l'Etat du Wisconsin (nord des Etats-Unis) de 1950 à 1974.

Sans démentir les faits, le Vatican a pris jeudi la défense du pape en soulignant qu'il n'avait été saisi de cette question "pour la première fois" qu'"à la fin des années 90, soit plus de deux décennies" après les faits.

Tout en reconnaissant le caractère "tragique" de l'affaire concernant des enfants "particulièrement vulnérables", le porte-parole du Vatican, Federico Lombardi, a souligné que les autorités civiles américaines avaient elles-mêmes abandonné une enquête menée sur le père Murphy dans les années 1970.

Lorsqu'enfin Rome a été informé, "le père Murphy était vieux, en mauvaise santé, vivait en réclusion et il n'y avait eu aucune information sur d'éventuels abus au cours des 20 dernières années", selon le père Lombardi.

La Congrégation pour la doctrine de la foi s'est donc contentée de "suggérer" à l'archevêque de Milwaukee "d'envisager de restreindre les activités religieuses de père Murphy et de lui demander d'accepter la pleine responsabilité pour la gravité de ses actes", a-t-il ajouté.

Le père Murphy est mort quatre mois plus tard sans avoir jamais été ni jugé ni sanctionné par l'Eglise.

Ces révélations interviennent alors que l'Eglise catholique est secouée par une accumulation de scandales concernant des abus sur des mineurs commis par des religieux et couverts par leur hiérarchie en Irlande, aux Pays-Bas, en Suisse, Espagne, Italie, Autriche et Allemagne.

Joseph Ratzinger a déjà été mis en cause par la presse allemande pour avoir accepté d'accueillir dans son archevêché en 1980, lorsqu'il était archevêque de Munich, un prêtre pédophile présumé pour qu'il y suive une thérapie.

"Du point de vue canonique, il a respecté les procédures. Mais cette défense à la Nuremberg (application stricte des ordres, ndlr) est complètement inadaptée et ne peut satisfaire l'opinion", commente, sous le sceau de l'anonymat, un observateur attentif du Vatican.

Benoît XVI est d'autant plus attaqué sur ce thème que la Congrégation qu'il a présidée de 1981 à 2005, ex-Tribunal suprême du Saint Office, est précisément chargée d'instruire ce type d'affaires.

Or, les cas dénoncés aujourd'hui remontent souvent à plusieurs décennies.

"C'est un effet boule de neige: les victimes n'ont plus honte de parler des abus et l'Eglise va devoir changer profondément son attitude qui consistait avant tout à éviter le scandale", commente le vaticaniste Bruno Bartoloni.

Benoît XVI, qui a à maintes reprises condamné ces "actes abominables", a lui-même oeuvré pour briser le mur du silence. En 2001, il a été l'initiateur d'un décret du Vatican enjoignant aux évêques de l'informer des cas de prêtres pédophiles qui devaient être privés immédiatement de tout contact avec les jeunes.

Le week-end dernier, dans une lettre aux catholiques irlandais, il a exprimé "la honte" de l'Eglise sur les abus commis pendant des décennies par des religieux sur des centaines d'enfants de la région de Dublin et, mercredi, il a accepté la démission d'un évêque impliqué dans un autre scandale de pédophilie en Irlande.

Mais ces réactions sont loin de satisfaire les victimes qui attendent notamment des "excuses formelles" sur le rôle du Vatican.