
Le ministre cambodgien des Affaires étrangères (photo) accuse le représentant de l'ONU à Phnom Penh d'ingérence "inacceptable". Début mars, ce dernier avait réclamé davantage de transparence dans la lutte anti-corruption.
AFP - Le gouvernement cambodgien a menacé d'expulser le représentant des Nations unies à Phnom Penh, accusé "d'ingérence inacceptable" après un communiqué onusien réclamant un débat transparent sur la corruption, selon un courrier obtenu par l'AFP lundi.
Des agences de l'ONU avaient réclamé début mars un processus "transparent et participatif" lors du débat au parlement d'une loi anti-corruption très controversée, et qui a finalement été adoptée alors que l'opposition avait quitté l'Assemblée nationale.
Dans une lettre adressée à Douglas Broderick, représentant des Nations unies à Phnom Penh, le ministre cambodgien des Affaires étrangères Hor Namhong a accusé son bureau "d'ingérence inacceptable et flagrante dans les affaires intérieures du Cambodge".
"Le renouvellement d'un tel comportement forcerait le gouvernement royal du Cambodge à avoir recours à une décision de +persona non grata+", ajoute-t-il dans son courrier daté du 20 mars.
Il l'accuse d'avoir "outrepassé les limites de son mandat", le communiqué n'ayant pas été précédé d'un ordre du siège de l'ONU.
Les Nations unies avaient déjà été attaquées il y a quelques jours sur ce même sujet, Phnom Penh leur reprochant d'agir en "porte-parole des partis de l'opposition". L'ONU n'a pas officiellement réagi.
Le Cambodge est considéré comme l'un des pays les plus corrompus de la planète. Il est classé 158e sur 180 par l'organisation Transparency International.
L'an passé, un diplomate américain avait estimé que le fléau coûtait jusqu'à 500 millions de dollars par an au pays, une estimation que le pouvoir avait jugée "sans fondement".
La loi mise en cause a été adoptée le 11 mars, plus de 15 ans après que soit proposée l'adoption d'un texte sur le sujet, mais seulement quelques jours après que le projet ait été soumis au débat public.
Les parlementaires du Parti de Sam Rainsy (PSR), dont le leader éponyme vit en France, avaient quitté l'Assemblée quelques heures avant le vote du texte par 82 députés, presque tous membres du Parti du peuple cambodgien (PPC) du Premier ministre Hun Sen.
Le PSR et des groupes de défense des droits de l'Homme avaient jugé le texte imprécis, inefficace et n'apportant aucune protection à ceux qui dénonceraient des actes illégaux. Ils affirment aussi que les organes anti-corruption mis en place par ce texte resteront sous contrôle du PPC.
La loi a été approuvée par le Sénat vendredi et doit encore être promulguée par le roi Norodom Sihamoni.
L'homme fort du Cambodge, Hun Sen, n'a cessé de renforcer son emprise sur le pouvoir depuis qu'il est devenu Premier ministre il y a près de 25 ans.
Le PPC avait très largement remporté les législatives de juillet 2008. Il contrôle 90 des 123 sièges à l'Assemblée nationale, tandis que le PSR dispose de 26 députés.