, correspondante à Bruxelles – À 27 ans, Mahinur Özdemir détonne au Parlement bruxellois : la jeune députée d'origine turque porte le voile "sans contrainte, ni obligation". Difficile pour elle de rester neutre concernant le débat sur le port du voile dans le pays.
"Je suis un exemple d'intégration sociale et pourtant je porte le foulard", réplique Mahinur Özdemir à ses nombreux détracteurs. À 27 ans, cette Belge d'origine turque est, non seulement, la plus jeune députée du Parlement bruxellois, mais elle est aussi la première en Belgique, et en Europe, à siéger voilée.
Le 23 juin 2009, lorsqu'elle jure de respecter "les lois du peuple belge" hidjab sur la tête, des grincements de dents se font entendre au sein de l'hémicycle. La nouvelle attire aussi des télévisions du monde entier notamment de Turquie. "Chez nous, elle se serait fait expulser du Parlement", commente alors, stupéfait, un journaliste venu d'Istanbul pour couvrir l'événement.
Mais ni la polémique autour de son voile, ni les accusations de "négationnisme du génocide arménien" ne semblent perturber Mahinur Özdemir qui feint de s'étonner de l'intérêt qu'elle provoque. "Au-dessous de ce foulard, il y a plein d'idées. S'il cache mes cheveux, il ne doit pas occulter ma personnalité. Je suis une citoyenne belge active, jeune et j’ai envie de faire bouger les choses. Je suis au service de tous les Bruxellois", explique-telle dans une interview accordée à la RTBF, la chaîne publique francophone.
Issue d'une famille de petits commerçants, la jeune élue est née dans la commune de Scharbeek, l'une des plus bigarrées de Bruxelles : on y dénombre pas moins de 150 nationalités, 40 % des Turcs de Bruxelles y sont installés. Soutenue par son père, lui-même administrateur au sein de l'association culturelle turque de sa commune, elle entame des études de sciences politiques, un peu par dépit. Si la carrière d'avocat l'avait d'abord attirée, elle finit par y renoncer en apprenant qu'elle ne pourait pas plaider avec le hidjab. Etudiante engagée à l'Université libre de Bruxelles, elle se fait élire conseillère communale à l'âge de 23 ans, avant même d'avoir décroché sa maîtrise. Son foulard qui, selon elle, "fait partie de son identité", elle le porte depuis l'âge de 14 ans, "sans contrainte, ni obligation", précise-t-elle rappelant que ni sa soeur, ni ses tantes ont fait le même choix.
"On n'est pas à la période nazie !"
Interrogée dans le cadre du débat sur le port du voile à l'école, Mahinur Özdemir tente d'éluder la question avant de lâcher, conformément à la ligne récemment définie par son parti, le centre démocrate humaniste (CDH) : "Je pense qu'il faut l'interdire en primaire". Mais face aux députés du nouveau Parti Populaire (PP) qui proposent d'étendre l'interdiction aux entreprises privées, la jeune élue sort de sa réserve. Dans une interview accordée à l'hebdomadaire satirique belge Pan, elle explose : "ils ne se rendent pas compte qu'on n'est pas à la période nazie !".
Dans un communiqué publié le 25 février dernier, le PP exige des clarifications au CDH, "faute de quoi le parti se réserve d'en demander réparation en justice". Le Mouvement Réformateur (MR) s'empare aussi de l'affaire : "Assimiler des valeurs démocrates de la laïcité à du nazisme est inacceptable", condamnent, dans une lettre commune, quatre députés libéraux. Mauvais départ pour Mahinur Özdemir qui prône, depuis son élection, "une discussion sereine" sur le sujet.