
Alors que les cadres subissent du stress au travail, ce sondage apporte une note d’optimisme. Malgré un contexte de crise éprouvant, les cadres français sont 87 % à se déclarer "heureux au travail", dont 36 % "tout à fait" heureux.
Sondage Viavoice réalisé pour HEC, Le Figaro Réussir, L’Express Réussir, France Inter et France 24. Interviews effectuées du 12 au 19 Février 2010, par téléphone.
Échantillon de 405 personnes, représentatif de la population des cadres résidant en France métropolitaine. Représentativité assurée par la méthode des quotas appliquée aux critères suivants : sexe, âge, statut d’activité (salarié du secteur public ou du secteur privé).
Analyse de François Miquet-Marty, Viavoice
Afin de mieux comprendre ces données, et d’identifier les attentes actuelles, Viavoice a invité les cadres à s’exprimer sur ce que signifie,
selon eux, "être heureux au travail" : nous présentons donc ici les éléments d’un idéal.
Première source de bonheur au travail : l’épanouissement
S’épanouir : telle est la principale attente des cadres, laquelle recouvre notamment trois registres distincts :
- Une recherche, dans l’activité professionnelle, d’une réalisation de soi qui passe par la mobilisation de ses qualités personnelles : "c’est réussir à faire coïncider valeurs personnelles et valeurs professionnelles, pouvoir exprimer son talent", ou qui se concrétise par un intérêt ou un amour pour son travail (46 % des citations) ;
- S’épanouir, c’est encore bénéficier d’un lien social : l’ambiance au travail, la solidarité entre collègues est citée en deuxième position (32 %). Or les cadres attendent beaucoup des relations sociales : du respect, de la sympathie, mais aussi le partage d’objectifs communs et la possibilité de compter sur l’autre et sur ses compétences. Le travail d’équipe est ainsi très souvent apprécié, voire revendiqué pour s’épanouir dans sa fonction ;
- Enfin, l’épanouissement passe également par de bonnes conditions en matière de santé et d’équilibre avec la vie personnelle. La vie de cadre engendre des responsabilités, mais également des difficultés : pour de nombreux cadres (20 % des citations), être heureux au travail signifie également préserver sa santé (stress notamment) et sa vie familiale.
Deuxième source de bonheur au travail : la motivation, portée notamment par le sens
Un deuxième registre déterminant pour être heureux au travail est la motivation :
- Celle-ci est d’abord déterminée par le sens que l’on décerne à sa fonction, individuellement (c’est le sentiment d’utilité : "partir travailler le matin avec plaisir, se sentir utile dans ce que l’on fait") ou collectivement (la stratégie générale de l’entreprise, les objectifs communs : "participer à l’amélioration et au progrès de la société") ;
- Le fait d’avoir des objectifs clairs, d’être satisfait de son travail est déterminant pour se sentir bien dans son entreprise (pour 24 % des cadres). Mais cette satisfaction passe également par une reconnaissance de son travail par son entourage (17 %), qu’il s’agisse de ses collègues, de sa hiérarchie, de ses clients, mais également de son entourage extra-professionnel (famille, amis, etc.).
Troisième source de bonheur au travail : les responsabilités et les perspectives d’évolution
Le troisième registre déterminant du "bonheur" au travail est plus spécifique aux cadres. Il consiste à exercer des responsabilités tout en bénéficiant d’une autonomie suffisante. La liberté d’initiative est jugée cruciale par près de 13 % des cadres interrogés. Ces derniers n’apprécient pas vraiment les contraintes, les "comptes-rendus purement statistiques", l’obéissance servile, qui sont autant de preuves d’un manque de confiance à leur égard et d’une déresponsabilisation.
Mais si les cadres sont demandeurs de responsabilités, ils reconnaissent que celles-ci comportent des droits comme des devoirs :
- Le droit à une bonne rémunération (18 % des cadres citent cet élément comme un facteur de bonheur au travail) : pour beaucoup, le salaire qui leur est versé est représentatif de leurs responsabilités et de la reconnaissance de leur travail par leurs supérieurs ;
- La nécessité d’évoluer, de se remettre en cause (8 %) : "si mon entreprise évolue je dois évoluer aussi", ce qui n’est d’ailleurs pas considéré comme une contrainte pour beaucoup de cadres demandeurs d’un métier "évolutif".
En revanche, un moral économique toujours en berne
Pour sa part en revanche, le moral économique des cadres, évalué de façon mensuelle, demeure faible. Après avoir atteint son étiage en février 2009 (-45 points), il s’établit désormais à -34, en baisse d’un point par rapport au résultat enregistré le mois dernier. Si la reprise économique a été réelle (croissance française en hausse au dernier trimestre (+0,6 %)), croire a une sortie de crise rapide est difficile :
- D’abord parce que "les Français percevront la reprise quand le chômage arrêtera d'augmenter", voire lorsqu’il diminuera (Laurent Wauquiez) ; à ce titre, si de plus en plus de cadres estiment que la situation de l’emploi va se stabiliser (19 %, +5), ils sont encore 72 % (-6) à estimer que le chômage devrait augmenter au cours des "mois qui viennent".
- Ensuite parce que la crise financière laisse des Etats fortement endettés, lesquels éprouveront donc des difficultés à maintenir des mesures de relance à des niveaux élevés.
Dans ce contexte, le taux de motivation des cadres chute à 53 %, en baisse de 6 points par rapport aux données recueillies le mois dernier. Cette évolution s’explique notamment par des opportunités professionnelles moins fortes : depuis janvier, seuls 18 % des cadres jugent ces dernières "importantes", soit le plus bas niveau depuis janvier 2009.
Globalement, cette livraison du "Baromètre des cadres" révèle l’existence de deux réalités nettement distinctes :
- Il existe d’une part un "bonheur au travail", qui constitue un enjeu personnel, prioritairement nourri par l’épanouissement individuel ;
- Il existe d’autre part un "moral économique", donnée que nous évaluons chaque mois, et qui est prioritairement tributaire de la conjoncture économique de la France et de chaque entreprise.
En l’occurrence, "au travail", il est possible d’être personnellement heureux sans se prévaloir d’un moral économique. Les cadres, en France, expriment aujourd’hui cette ambivalence. Et cette part de bonheur personnel, plus structurelle, est probablement salutaire lorsqu’une conjoncture déprimée grève le moral économique.