Remportant plus de 75 % des 300 sièges de l'Assemblée, la ligue Awami de l'ex-Premier ministre Cheikh Hasina Wajed, parti laïc de centre gauche, a gagné les législatives. Ces élections sont censées rétablir la démocratie au Bangladesh.
AFP - La Ligue Awami de l'ex-Premier ministre du Bangladesh, Mme Cheikh Hasina Wajed, a remporté mardi avec plus de 75% des sièges une victoire écrasante aux élections législatives censées rétablir la démocratie après deux années d'un état d'urgence imposé par un régime de transition soutenu par l'armée.
Sur les 299 sièges à l'Assemblée nationale, l'alliance scellée autour de la Ligue Awami, une formation laïque de centre-gauche, a remporté 229 sièges, alors que le décompte des votes est terminé dans 295 circonscriptions, a annoncé un responsable de la commission électorale.
"Elle dispose d'une nette majorité pour gouverner sans l'appui d'un autre parti", a déclaré S.M. Asaduzzaman, porte-parole de la commission électorale.
Le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) de Mme Khaleda Zia, la grande rivale de Mme Hasina, a remporté 27 sièges.
"Notre dirigeante a plaidé pour le changement et le peuple a répondu à cet appel", a proclamé le porte-parole de la Ligue, Nuh Alam Lenin, qui voit dans ces résultats "un verdict contre la corruption et la criminalisation de l'ancien régime".
Mais le BNP de Mme Khaleda Zia, qui fut Premier ministre à deux reprises (1991-1996 et 2001-2006), a aussitôt dénoncé "beaucoup d'irrégularités", laissant craindre des tensions post-électorales.
Plus de 70% des 81 millions d'électeurs avaient bravé le froid lundi pour ces premières législatives depuis 2001, un scrutin entouré d'une sécurité exceptionnelle avec le déploiement de 660.000 militaires, policiers et paramilitaires dans un pays de 144 millions d'âmes.
Mais, comme lors des élections précédentes, cette consultation s'est résumée à un duel entre Hasina --Premier ministre entre 1996 et 2001-- et Khaleda: ces deux femmes sexagénaires monopolisent depuis 20 ans la vie politique de ce pays musulman laïc et pauvre d'Asie du Sud, enclavé dans le nord-est de l'Inde.
Sous les yeux de 200.000 observateurs, dont 2.500 étrangers, le scrutin s'est déroulé pratiquement sans incident "dans une ambiance extrêmement pacifique et festive", selon la commission électorale. Un groupe d'observateurs de l'Union européenne a même qualifié cet exercice démocratique de "remarquable".
Le Bangladesh, ancien Pakistan oriental avant son indépendance en 1971, espère mettre un terme à un cercle vicieux depuis près de 40 ans au cours desquels ont alterné coups d'Etat, violences politiques et plages démocratiques.
Khaleda Zia et Hasina Wajed, qui se détestent, sont des héritières de dynasties politiques: la première est veuve d'un président assassiné en 1981 par des militaires, Ziaur Rahman, et la seconde est la fille de Cheikh Mujibur Rahman, tué en 1975, également par l'armée, alors qu'il était le premier président du nouveau Bangladesh.
Pour séduire les Bangladais, dont 40% vivent avec moins d'un dollar par jour, elles s'étaient engagées à juguler pêle-mêle les crises alimentaire et financière, la corruption ou la menace "terroriste" islamiste.
Mais ces deux "bégums" sont poursuivies depuis 2007 pour corruption et détournements de fonds présumés. Le gouvernement intérimaire avait bien tenté de les envoyer en exil en avril 2007 avant de les emprisonner pendant un an. Il a dû les libérer sous caution cet été pour qu'elles participent à ces législatives "les plus régulières de l'histoire du pays".
Car ce sont précisément des accusations de tricheries électorales qui avaient plongé le Bangladesh en plein chaos politique en octobre 2006, se soldant par 35 morts dans des manifestations.
Les forces armées --habituées à intervenir dans le champ politique du pouvoir civil-- étaient alors entrées en scène en persuadant le président de la République Iajuddin Ahmed d'imposer l'état d'urgence le 11 janvier 2007 et d'annuler des législatives prévues 10 jours plus tard.
Le gouvernement provisoire de technocrates, désigné à l'époque, aura mené en deux ans une grande purge anti-corruption en interrogeant 10.000 personnes et en emprisonnant 150 ex-ministres, hommes d'affaires et hauts fonctionnaires.