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Nicolas Sarkozy, premier chef d’État français à se rendre en Haïti, a promis au pays une aide de 270 millions d’euros et l’effacement de la dette haïtienne. En effectuant cette visite, il a tenté de tourner la page d’un "passé douloureux".

Quelque 206 ans après l’indépendance de l’ancienne colonie française, le président Nicolas Sarkozy a effectué la première visite d’un chef d’Etat français en Haïti, dans sa capitale Port-au-Prince dévastée par le tremblement de terre du 12 janvier.

Le chef de l’Etat français a annoncé qu'une aide de 270 millions d’euros serait débloquée sur deux ans pour la reconstruction du pays. Il a également confirmé l’annulation de la dette haïtienne - de 56 millions d’euros. "La France […] restera solidement aux côtés des Haïtiens pour les aider à se relever ", a assuré Nicolas Sarkozy.

"L’annulation de la dette est sujette à caution", affirme cependant Claude Quémar, secrétaire général du Comité international pour l’annulation de la dette du tiers monde, interrogé par France24.com. "La France a déjà annoncé plusieurs fois qu’elle effaçait l’ardoise haïtienne et pourtant, à chaque fois, il ne s’agissait que d’un allègement."

"Le tropisme tiers mondiste de Nicolas Sarkozy n'est pas suffisamment affirmé pour qu'il casse la tirelire", estime en outre Christophe Wargny, historien spécialiste d’Haïti et auteur du livre "Haïti n’existe pas", paru en 2004.

"C’est un homme de realpolitik, poursuit-il. Il n’est pas du genre à se déplacer sans avoir les contrats derrière la tête. Les budgets alloués à la reconstruction pourront être conséquents, il faut s’attendre à une foire d’empoigne des constructeurs du monde entier."

Une histoire commune "riche mais douloureuse"

Cependant, la visite de Nicolas Sarkozy reste un symbole extrêmement important. "Toutes nos anciennes colonies ont été visitées une ou plusieurs fois par chaque chef d’Etat ou de gouvernement français, même lorsqu’elles étaient dirigées par les pires voyous. Mais pas Haïti", rappelle Christophe Wargny.

Cette - très - longue "omission" des élites politiques françaises est symptomatique des relations franco-haïtiennes. Nicolas Sarkozy, devant le palais national, a d’ailleurs évoqué une histoire "riche mais douloureuse".

Juste après l’indépendance du pays, en 1804, la France avait exigé le versement d’une somme colossale pour la dédommager de la perte de sa colonie. "Cette rançon équivaudrait à quelque chose comme 10 milliards d’euros aujourd’hui. Elle a empêché tout développement du pays entre 1825 et 1900", explique Christophe Wargny, rappelant l’importance de la révolution haïtienne qui a mis en échec 40 000 soldats napoléoniens et qui a donné naissance à la première "république noire".

"Les relations d’Haïti avec la France, puis avec les Etats-Unis, n’ont longtemps été constituées que de coups de force et de violence", poursuit l’historien, évoquant notamment le rôle des services secrets américains dans la mise en place de dictatures de Duvalier et d’Aristide.

"La visite de Nicolas Sarkozy a précisément pour objectif de […] solder les comptes du passé, de l’histoire compliquée entre les deux pays", analyse Roselyne Febvre, envoyée spéciale en Haïti.

Un message qu’a d’ailleurs saisi René Préval, qui, pour accueillir Nicolas Sarkozy, a déclaré : "Depuis l'indépendance nous avons surmonté politiquement et psychologiquement cette période difficile de notre histoire qu'a été la colonisation."