L'installation de Ko Siu Lan, qui détournait le slogan "Travailler plus pour gagner plus" de Nicolas Sarkozy, a été décrochée de la façade de l'école des Beaux-Arts. L'artiste chinoise dénonce "une censure très brutale".
L'école des Beaux-Arts a décroché de sa façade une installation réalisée par l’artiste chinoise Ko Siu Lan que la direction juge "trop explosive". L’œuvre, qui détourne le slogan de campagne du candidat Nicolas Sarkozy lors de la présidentielle de 2007, "travailler plus pour gagner plus", se compose de deux grandes bannières noires sur lesquelles on peut lire au recto "gagner plus" et au verso "travailler moins". L'installation s'inscrivait dans le cadre de l’exposition "Week-end de sept jours" démarrant vendredi aux Beaux-Arts, en partenariat avec le Royal College of Art de Londres et le Lasalle College of the Arts à Singapour.
Ko Siu Lan qualifie la démarche de la direction du musée de "contrôle quasi-fasciste de l’art". "C’est très choquant, et très douloureux. En Chine, on s’attendrait à ce type de censure, mais en France !", s’insurge-t-elle.
Elle rejette l’argument de la direction des Beaux-Arts, qui affirme que l’œuvre porte atteinte "à la neutralité du service public". "Les directeurs manquent de courage moral et je pense qu’ils ne savent pas bien de quoi ils parlent. Qui sont-ils pour juger de ce qui est neutre ou pas ?", demande-t elle. Et d'ajouter : "La France, ce n’est malheureusement pas le ‘Libérté, Egalité, Fraternité’ que tout le monde croit."
"Acte de censure"
L’artiste a été averti mercredi soir de la décision de retirer son œuvre par un e-mail de la commissaire de l’exposition, Clare Caroin, du Royal College of Art de Londres. Dans cet e-mail, communiqué à FRANCE 24, la commissaire explique avoir été convoquée par la direction de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts pour être informée de la décision de la direction, à laquelle elle a tenté en vain de s’opposer.
Le directeur Henry-Claude Cousseau "m'a dit que [ton] travail était trop explosif pour rester in situ et que certains membres de l'école et des personnes du ministère de l'Education s'en offusquaient déjà", écrit Clare Carolin à l'artiste. La direction "m'a dit aussi que le moment était délicat car l'école est en train de renouveler sa convention de financement avec le ministère", ajoute-t-elle. "J'ai répondu [...] qu'enlever ou changer de place cette œuvre constituerait un acte de censure et que je n'étais pas prête à accepter que mon exposition soit censurée. Quand je suis sortie de réunion, l'œuvre avait déjà été enlevée", poursuit Clare Carolin.
Contexte politique
Dans un communiqué, l'école des Beaux-arts de Paris affirme que l'artiste a accroché son œuvre à l'extérieur "sans que la direction de l'établissement en soit informée". "Sans titre, sans nom d'auteur, sans mention relative à l'exposition, le caractère de l'œuvre se réfère explicitement à un contexte politique. Son auteur a souhaité, par la présentation sur la voie publique, utiliser spectaculairement comme médiation de son message un bâtiment de l'Etat voué à l'enseignement", explique l’école, qui estime avoir été "manipulée".
L’artiste a déclaré à FRANCE 24 qu’elle refusait que l’œuvre soit réinstallée à l’intérieur du bâtiment, comme le propose la direction de l’école. "Cela porterait atteinte à l’intégrité de mon œuvre, elle n’aurait plus aucun sens", expliqua-t-elle.