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Côte d’Ivoire : sous la présidence Ouattara, un boom économique et des inégalités persistantes
La Côte d’Ivoire a connu depuis 2011 une croissance parmi les plus dynamiques d’Afrique, portée notamment par une forte hausse des investissements privés. Un "miracle économique" bien réel, mais inégalement réparti au sein de la société ivoirienne, déplorent certains experts.
Vue aérienne du quartier des affaires du Plateau à Abidjan, le 29 juillet 2025. © Issouf Sanogo, AFP

Après plusieurs mois d’un suspens savamment entretenu, le président ivoirien Alassane Ouattara annonçait finalement fin juillet sa candidature à un quatrième mandat, en vue de la présidentielle du 25 octobre.

"Je suis candidat parce que je veux que notre chère Côte d’Ivoire continue de demeurer un pays prospère, en paix et en sécurité", expliquait-il dans une vidéo diffusée le 29 juillet 2025. Considérée comme un pilier de stabilité en Afrique de l’Ouest, bousculée ces dernières années par une série de coups d'État militaires et la progression des groupes jihadistes, la Côte d’Ivoire a connu sous la présidence d’Alassane Ouattara un impressionnant essor économique.

Entre 2012 et 2019, elle a enregistré une croissance annuelle de 8,2 % de son PIB, soit l’une des plus fortes au monde.

Malgré la pandémie de Covid-19 et l’émergence de nouveaux conflits mondiaux, ce pays d'environ 32 millions d'habitants est parvenu à maintenir une trajectoire dynamique de plus de 6 % annuel depuis 2021.

D’excellentes performances qui reposent en premier lieu sur l’exportation de matière première – cacao, noix de cajou, pétrole – mais également sur la transformation locale en plein essor et un secteur tertiaire de plus en plus dynamique, notamment dans les services numériques et financiers.

Stabilité et investissements

Cette forte croissance, qualifiée de "miracle ivoirien", est en fait le deuxième âge d’or économique de l’histoire récente du pays. Durant les deux décennies suivant son indépendance (1960 – 1980), le PIB de la Côte d’Ivoire avait quadruplé, porté par les exportations de cacao et de café, avant qu’une chute brutale des prix ne plonge le pays dans la crise.

Après plusieurs décennies de troubles politiques et sociaux, l'arrivée d’Alassane Ouattara au pouvoir en 2011, a marqué un retour à une forme de stabilité propice aux affaires en Côte d’Ivoire.

"Le président a renoué avec la planification économique, introduite par le premier président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, dans les années 60", explique l’économiste Germain Kramo. "Cette politique a permis de fixer un cap pour les investissements à moyen et long terme et de mobiliser efficacement des fonds pour les secteurs prioritaires".

Ancien économiste du FMI, Alassane Ouattara a enclenché une politique massive d’investissement, en particulier dans les infrastructures routières, les établissements scolaires, sanitaires ainsi que les infrastructures énergétiques.

De grands chantiers financés par le l’argent public mais aussi et surtout des investissements privés venus de l'extérieur.  

En 2024, la Côte d’Ivoire occupait la troisième marche du podium africain en matière d’investissements étrangers avec 3,80 milliards de dollars, derrière l’Égypte et l’Éthiopie.

Des inégalités tenaces

Cette politique de grands travaux a permis le développement d’infrastructures majeures dans l’intérieur du pays dont trois barrages hydroélectriques, pour renforcer les capacités d’approvisionnement du pays, ainsi que la réhabilitation de milliers de kilomètres de routes, afin de favoriser le désenclavement économique des régions rurales.

Pourtant, ce tableau en apparence idyllique est quelque peu terni par des inégalités sociales persistantes. "La croissance est une réalité mais il existe toujours en Côte d’Ivoire de fortes disparités aussi bien géographiques que sociales", alerte Dr. Bérenger N’cho, enseignant chercheur en sciences économiques à l'université Jean Lorougnon Guédé. "Le débat doit porter aujourd’hui sur la répartition des fruits de cette croissance afin qu’elle profite véritablement à tous les Ivoiriens".

La production de richesse se concentre toujours dans son poumon économique, Abidjan qui représente 80 % de l’activité du pays mais seulement 22 % de la population.

Autre problème, le poids important de l’économie informelle. Elle fait vivre près de 90 % de la population ivoirienne dont beaucoup de jeunes et de femmes, mais sans contrat stable ni protection sociale. 

Un secteur parallèle qui échappe à l’administration fiscale, grevant les recettes fiscales et donc les capacités d’investissement public. La part des impôts représente seulement 13,8 % du PIB, loin de l’objectif de 20 % dans la zone UOMA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine).

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"Le sujet de la taxation du secteur informel est particulièrement sensible car il représente une part très importante du PIB ivoirien, entre 30 et 40 %", souligne Germain Kramo. "Les pouvoirs publics hésitent car une fiscalité trop forte risque de porter un sérieux coup au pouvoir d’achat. Il faut également trouver un moyen efficace pour collecter ces impôts ce qui n’est pas chose aisée car de nombreux produits, notamment agricoles, passent directement du producteur au consommateur".

Pour rééquilibrer la balance, le gouvernement a mis en place une série de mesures pour faciliter les déclarations, réduire les coûts administratifs et lutter contre la fraude.

Enfin, la corruption demeure un sujet de préoccupation majeur, même si la situation s’est améliorée ces dernières années. Dans le dernier rapport de Transparency International, la Côte d’Ivoire est classée à la 69ᵉ place sur 180 nations, une progression de 5 points et de 18 places par rapport à 2023. Dans ce domaine, là encore, des mesures juridiques et institutionnelles ont été mises en place sous l’actuelle présidence pour renforcer la transparence, les contrôles et lutter contre le blanchiment.

Aux critiques sur les inégalités béantes, qui opposent une minorité privilégiée à une vaste majorité de précaires, Alassane Ouattara, en bon économiste, oppose des chiffres.

Selon les données officielles, le taux de pauvreté a connu une importante baisse sous sa présidence, passant de 55 % en 2011 à 37,5 % en 2021. Un résultat lié à la forte croissance, assure le gouvernement, mais également à des mesures sociales comme le programme d’aide alimentaire pour les familles vulnérables, l’augmentation du salaire minimum ou bien encore l’extension de la Couverture Maladie Universelle (CMU). 

Une dynamique que le président a promis d’intensifier en fixant un cap ambitieux : une réduction du taux de pauvreté de près de moitié, à 20 %, à l’horizon 2030.