![Ménopause : la fin des règles et du tabou Ménopause : la fin des règles et du tabou](/data/posts/2024/09/27/1727451303_Menopause-la-fin-des-regles-et-du-tabou.jpg)
En 2030, un milliard deux cents millions de femmes auront dépassé 50 ans et vivront la ménopause, cette période marquée par la fin de l'ovulation et des règles. Dans cette édition d’Actuelles, Laure Manent reçoit la docteure Micheline Misrahi-Abadou, spécialiste de la fertilité et Mathilde Nême, cofondatrice de l’application Omena. Elles décryptent ce phénomène souvent associé au seuil de la vieillesse et qui s'accompagne de symptômes parfois handicapants. Pourtant, la ménopause est le résultat de la sélection naturelle, un atout que seule une poignée d’espèces de mammifères partagent et qui a permis une meilleure survie du genre humain.
Longtemps, la femme ménopausée a eu une image détestable. Vieille, cheveux filasses, moue renfrognée, humeurs imprévisibles et comportement erratique : voici la sorcière. Car la fin des règles chez les femmes autour de la cinquantaine a été regardée avec suspicion pendant des siècles. Où tout ce sang passait-il désormais ? La libération des femmes avec la fin de leur cycle menstruel se retournait contre elles. Pour la docteure Micheline Misrahi-Abadou, le patriarcat s’est fondé sur le contrôle de la fertilité des femmes. Sortir de ce système revient à dépasser la date de péremption qui sépare une femme que l’on peut désirer de celle qui n’existe plus aux yeux de la société, estime la spécialiste de la fertilité.
Ce qui était valable au Moyen-Âge le reste encore un peu aujourd’hui, en filigrane. Dans nos esprits modernes et nos sociétés imprégnées de jeunisme, difficile d’apprécier à sa juste valeur la fin de la vie fertile d’une femme. D’autant que ce passage s’accompagne de symptômes gênants. Il y a certes les fameuses bouffées de chaleur, précédées de leur réputation, mais pas seulement : anxiété, irritabilité, sautes d’humeur, insomnies, prise de poids, modification de la peau… Voilà pour les manifestations les plus connues. Mais la baisse des hormones sexuelles entraîne des effets plus graves, comme une augmentation de l’ostéoporose, cette maladie qui se caractérise par une détérioration des os, qui s’affinent et se fragilisent. Les risques cardio-vasculaires augmentent également, ils sont même la première cause de mortalité chez les femmes car les symptômes sont différents de ceux des hommes. Une femme qui fait une crise cardiaque a ainsi davantage de risques d’en mourir qu’un homme. La fin de la fertilité s’accompagne également de perturbations dans la vie sexuelle, un sujet que les femmes ont encore beaucoup de mal à aborder d’elles-mêmes lors des consultations médicales. La baisse de libido et la sécheresse vaginale associées à la ménopause se soignent pourtant très bien avec un traitement local, explique Mathilde Nême. Mais les femmes sont encore trop peu informées, estime Dre Micheline Misrahi-Abadou, ou craignent cette "légende urbaine" de risques accrus de cancer du sein. Cette idée est née après une étude menée il y a plus de 20 ans, aux États-Unis, un pays qui utilisent des molécules différentes de celles qui sont prescrites aux femmes françaises. En France, les études ont au contraire prouvé un effet bénéfique du traitement hormonal substitutif de la ménopause (THM), avec des molécules similaires à celles produites naturellement par le corps.
Les effets négatifs de la ménopause sont aussi économiques car bien des femmes sont si gênées par les symptômes qu’elles ne peuvent plus être aussi efficace au travail. Selon une étude britannique portant sur près de 4 000 femmes, 10 % disent avoir renoncé à une promotion à cause de la ménopause, et 10 % supplémentaires disent avoir même démissionné car elles ne se sentaient plus capables de faire leur travail correctement. Outre les effets sur le moral de ce renoncement forcé, cela a des effets sur l’économie, en appauvrissant ces femmes. Remédier aux inégalités liées à la ménopause et à l’endométriose pourrait pourtant contribuer à hauteur de 130 milliards de dollars au PIB mondial d’ici 2040, estime le Forum économique mondial.
À 51 ans, âge moyen de la ménopause au Royaume-Uni, les femmes sont d’ailleurs au sommet de leur carrière, avec des expertises de pointe et des compétences solides dont l’entreprise doit se passer. Le pays a tiré les enseignements de cette étude et décidé de s’améliorer sur le sujet. Le Royaume-Uni a ainsi commencé à introduire la notion de ménopause dans la loi et désormais, les entreprises ont même la responsabilité légale de soutenir les femmes d'âge mûr au travail. En France, des propositions de loi sont à l’étude pour améliorer la situation des femmes ménopausées, c’est même un enjeu dont le président Emmanuel Macron a voulu s’emparer avec la mise en place d’une mission parlementaire dédiée.