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"Inouï et inespéré" : comment Les Républicains ont réussi à revenir au pouvoir avec Michel Barnier
Présenté comme moribond après le premier tour des élections législatives anticipées fin juin, le parti Les Républicains se retrouve aujourd'hui au centre de la vie politique après la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre et celle de dix ministres et secrétaires d'État issus de ses rangs. Un retour au premier plan inespéré pour LR, qui compte profiter de l’occasion pour convaincre les électeurs de lui accorder de nouveau leur confiance.

La photographie officielle du gouvernement n’a pas encore été prise mais l’image du retour au premier plan du parti Les Républicains (LR) est déjà dans toutes les têtes. Michel Barnier à Matignon, Bruno Retailleau à l’Intérieur, Annie Genevard à l’Agriculture notamment : plusieurs personnalités LR occupent les tout premiers postes du nouvel exécutif. Et si nul ne connaît la durée de vie de ce nouveau gouvernement, cet état de grâce tient du scénario improbable.

Car qui donnait encore un avenir à ce parti en juin, lorsqu’il se déchirait en pleine campagne des législatives sur l’opportunité de nouer une alliance avec le Rassemblement national (RN) ? Le patron de LR, Éric Ciotti, venait alors d’engager seul l’ensemble du parti dans un accord électoral avec Marine Le Pen et Jordan Bardella, suscitant l’opposition de l’intégralité de son bureau politique et des ténors du parti. Après un feuilleton juridique de plusieurs jours, Éric Ciotti avait fini par lancer son propre mouvement avec une poignée de candidats pour finaliser une alliance avec l’extrême droite, tandis que son ex-formation décidait de rester seule dans son couloir.

La sanction au premier tour des législatives fut sans appel : 6,57 % des voix au niveau national et une quatrième place pour Les Républicains derrière le RN et ses alliés (33,22 %), le Nouveau Front populaire (28,06 %) et Ensemble pour la République (20,04 %). Ces résultats faisaient planer la menace d’une disparition, au soir du second tour, du groupe LR à l’Assemblée nationale (il faut au moins 15 députés pour former un groupe).

Ironie de l’histoire, c’est le "front républicain" qui a permis de sauver de nombreux sièges LR alors même que LR est le seul parti dont les dirigeants n’ont pas appelé à faire barrage à l’extrême droite. Et finalement, quasiment deux mois après le scrutin, alors qu’Emmanuel Macron avait estimé dans sa lettre aux Français que le front républicain était le vrai vainqueur des dernières élections, c’est à un Premier ministre LR que le président de la République a choisi de confier le pouvoir.

"C’est vrai que ce qui nous arrive est inouï et inespéré et que le dénouement de cette séquence politique est stupéfiant. Mais la vérité, c’est que la situation à l’Assemblée nationale est inédite, que personne n’a gagné les élections législatives, que personne n’a de majorité absolue et que nous étions les seuls en mesure de gouverner", analyse Agnès Évren, sénatrice LR de Paris et vice-présidente du parti.

"Nos électeurs n’auraient pas compris qu’on refuse d’y aller"

L’alliance avec Emmanuel Macron peut surprendre. Critiques du président depuis 2017 et attachés à rester dans l’opposition, Les Républicains ont toujours clamé leur indépendance et refusé de rejoindre une quelconque coalition avec le chef de l’État.

Encore durant l’été, Laurent Wauquiez, de retour à l’Assemblée nationale et devenu patron du groupe La Droite républicaine, assurait qu’il n’était pas question de participer à un gouvernement, et qu’au mieux, il accepterait de soutenir le nouvel exécutif du bout des lèvres.

Le choix d’Emmanuel Macron de se tourner vers la droite se comprend aisément car il n’avait, de son point de vue, pas vraiment le choix : n’ayant aucune envie de confier le pouvoir à la coalition de gauche et confronté à des socialistes et des écologistes refusant de quitter le Nouveau Front populaire (NFP), le parti Les Républicains représentait l’unique formation avec laquelle la discussion était encore possible.

À défaut de majorité absolue, les 47 députés LR ajoutés aux 165 députés Ensemble pour la République-MoDem-Horizons lui offrent une majorité relative de 212 sièges à l’Assemblée nationale, devant les 193 élus du NFP. Surtout, la proximité du camp LR sur le plan économique assure au chef de l'État de ne pas voir son héritage détricoté – à commencer par la réforme des retraites.

C’est en revanche du côté des Républicains qu’il a fallu évoluer. "Contrairement au NFP et au RN, nous sommes un parti de gouvernement. On ne pouvait pas se retirer sur notre Aventin alors qu’il n’y avait plus de Premier ministre depuis 50 jours. Après l’appel d’Emmanuel Macron à Michel Barnier, nos électeurs n’auraient pas compris qu’on refuse d’y aller. On a reçu beaucoup de messages allant dans ce sens, notamment après l’interview de Nicolas Sarkozy [l’ancien président avait appelé sa famille politique dans Le Figaro à gouverner en contraignant Emmanuel Macron à nommer un Premier ministre de droite]. C’est qu’on ne pouvait pas faire autrement", explique Agnès Évren.

Sécurité et immigration, axes forts du gouvernement Barnier

La nomination de Michel Barnier a donc changé la donne pour LR, qui compte maintenant démontrer que ses solutions sont les bonnes.

"Revenir au pouvoir nous remet sur les rails. Nous avons présenté en juillet un pacte législatif avec des solutions pragmatiques. Les Français verront que nous sommes les seuls à avoir l’esprit de responsabilité et à répondre à leurs attentes", veut croire la sénatrice LR de Paris, qui espère que les semaines à venir permettront à son parti de convaincre des électeurs partis chez Emmanuel Macron ou au Rassemblement national de revenir à la maison.

Reste à savoir combien de temps ce retour aux affaires durera pour Les Républicains. Le gouvernement de Michel Barnier doit désormais travailler avec la menace constante d’une motion de censure que pourraient voter ensemble le NFP et le Rassemblement national.

Pour se démarquer des précédents gouvernements d’Emmanuel Macron, mais aussi et surtout pour éviter d’être renversé, le Premier ministre entend donc faire de la sécurité et de l’immigration, thèmes centraux de l’extrême droite, des axes forts de sa politique.

Le ton a été donné, lundi 23 septembre, par son ministre de l’Intérieur, lors de la passation de pouvoirs avec Gérald Darmanin. "J'ai trois priorités : rétablir l'ordre, rétablir l'ordre, rétablir l'ordre. Je crois à l'ordre, comme condition de la liberté. Quand il n'y a pas d'ordre, la liberté est menacée", a répété Bruno Retailleau dans la cour de l'hôtel de Beauvau, assurant que "les Français [voulaient] plus d’ordre, d’ordre dans la rue, d’ordre aux frontières".